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conservateurs, catholiques et protestans, auraient voulu faire éliminer de la constitution un certain article 194 qui consacre le principe de la neutralité religieuse des écoles dans l’enseignement primaire. Il y a eu entre conservateurs et libéraux des tentatives de compromis ; ces tentatives ont fini par échouer devant la première chambre, qui, sans méconnaître la valeur et les services de l’enseignement confessionnel, a tenu à laisser inscrit dans la constitution le principe de la neutralité religieuse des écoles. C’est maintenant au pays à en décider dans les élections.

De toutes ces questions qui viennent de s’agiter à La Haye, à propos de la révision constitutionnelle, cependant, la plus grave, la plus délicate, est certainement celle de la succession au trône, qui a même été à l’origine le point de départ de la réforme. Bien que le roi Guillaume soit toujours vivant et ait de son dernier mariage une jeune fille appelée à recueillir la couronne, les Hollandais n’en sont pas à se demander ce qui arriverait dans des circonstances faciles à prévoir. Depuis quelques années déjà, ils sont préoccupés de l’extinction toujours possible de la descendance directe du roi, de l’avènement éventuel des lignes collatérales, du mariage des princesses de la maison d’Orange avec des princes étrangers. L’intervention du parlement dans ces affaires de transmission de la couronne avait été proposées elle a été écartée dans l’intérêt et au profit du droit monarchique. On s’est borné à rappeler et à préciser des principes adoptés autrefois, en 1815. La question est plutôt éludée ou ajournée que résolue ; elle reste d’autant plus grave qu’elle se complique des droits de règne de la maison d’Orange sur le Luxembourg, et que par là pourraient naître de périlleuses difficultés. Évidemment, le jour où il y aurait une vacance du trône, une crise de dynastie, l’Allemagne ne négligerait rien pour se mêler de l’affaire, pour favoriser les combinaisons qui lui assureraient une sorte de protectorat. Elle a déjà ses prétendans, elle ne cache pas ses ambitions. Les Hollandais prévoyans savent bien que c’est là une épreuve pour leur pays, et s’ils n’attachent pas un grand prix au lien tout personnel qui relie le Luxembourg à la couronne de Hollande, ils tiennent à leur indépendance de nation, qu’ils défendraient sûrement avec d’autres armes qu’un simple article de constitution plus ou moins révisée pour la circonstance.


CH. DE MAZADE.