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française et des mœurs nationales, procéderait par d’irritantes inquisitions, par des investigations vexatoires dans le domicile et dans les affaires des contribuables. Il n’a pas craint d’avouer que, dans sa pensée, une réforme comme celle des octrois aurait pour les masses laborieuses un intérêt autrement pressant que la séparation des églises et de l’état. Il y a aussi dans le discours de l’hôtel Continental une partie toute politique, et, sur ce point, si M. le président du conseil n’est pas bien nouveau, il est du moins parfaitement clair. Une fois de plus, il a déclaré qu’il n’entendait pas être un gouvernement de combat, qu’il était au pouvoir, non pour entrer en guerre avec une partie de la représentation nationale, avec une partie du pays, mais pour garantir à tous la liberté, pour assurer l’impartiale exécution des lois, pour ouvrir la république à toutes les bonnes volontés sans distinction. Il a, en un mot, renouvelé le programme d’un gouvernement modéré. M. le président du conseil, en revendiquant pour son ministère le caractère républicain, s’est plu, il est vrai, à désavouer toute idée d’une alliance avec la droite, d’un partage du pouvoir avec les conservateurs. C’était visiblement une concession, — et même une concession inutile, puisque la droite ne lui demande pas une part de pouvoir. N’importe, il en avait trop dit pour ceux qui ne le provoquaient tant à parler peut-être que pour lui tendre un piège, pour l’amener à prononcer quelque parole compromettante. — Un vrai ministère républicain ne peut pas avouer qu’il n’est pas un gouvernement de combat contre les conservateurs ! Les promesses libérales sont une naïveté ! Le respect des croyances, c’est presque une trahison, au profit du cléricalisme ! Déclarer qu’on ne veut ni persécution ni violence, qu’on veut ramener les dissidens « par l’attraction qu’exercent la modération, la justice, le respect des libertés, » c’est permettre à la droite de continuer son jeu, de voter pour le ministère ! Et c’est ainsi qu’après comme avant le discours de l’hôtel Continental, l’équivoque subsiste toujours. Au dire des radicaux, rien n’est changé : on pouvait s’en douter !

Que faudrait-il donc pour dissiper l’équivoque, pour désintéresser ou tranquilliser les radicaux effarouchés des tendances du ministère ? Les paroles ne suffiraient pas apparemment sans les actes. Il faudrait sans doute commencer par reprendre la guerre des délations et des vexations contre tout ce qui est conservateur ou modéré, même dans le parti républicain. Il faudrait aussi et surtout se prêter à toutes les fantaisies qui peuvent passer dans des têtes de radicaux, et on pourrait certes aller loin à voir ce qu’ils font là où ils ont un peu de pouvoir. Les exemples sont aussi nombreux que significatifs, et les plus récens ne sont pas les moins curieux. Il y a aux portes de Paris une petite commune, Saint-Ouen, qui a l’avantage d’être gouvernée par une municipalité du radicalisme le plus accentué. Cette commune a naturellement des écoles, et à la dernière distribution des prix, qui ne date