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V

Au XVIe siècle, le Portugal abordait l’Océanie à la fois par ses deux portes de l’Océan-Antarctique et de l’Océan-Indien. En 1520, Magellan, passé au service de l’Espagne, mais Portugais de naissance, découvrait et franchissait le détroit qui porte son nom, traversait le Pacifique, abordait aux Philippines et y mourait. En 1594, le Descobridor Godinho de Eredia retrouvait, affirmait-il, l’Ile d’Or, la fameuse île enchantée que célébraient à l’envi les légendes hindoues, arabes et malaises. L’histoire en est curieuse ; elle n’est bien connue que d’hier et a fort excité la curiosité des géographes et des savans.

En mars 1878, l’ambassadeur de Portugal à Paris, S. E. José da Silva Mondes Léal, transmettait à l’Académie des Sciences de Paris le fac-simile d’un document que l’on venait de découvrir dans les archives portugaises. C’était une lettre sans date ni indication de lieu. Le papier, l’écriture, le style, le contexte, ne laissaient aucun doute : elle avait été écrite au commencement du XVIIe siècle. Elle était signée Manuel Godinho de Eredia, et adressée à un personnage inconnu que l’auteur qualifiait d’illustrissime seigneur. Tout d’abord il lui exprime ses regrets de la mort de Vasco de Gama, puis il se met à sa disposition pour appareiller à la recherche de l’Ile d’Or. Il se propose pour cela de gagner Timor, de là Sabbo, d’hiverner dans une des Iles voisines, d’y recueillir les renseignemens nécessaires et de faire voile pour cette localité mystérieuse. Il termine en assurant son correspondant de son ardent désir de doter leur patrie commune d’une aussi précieuse conquête.

L’auteur de cette lettre, Manuel Godinho de Eredia, dont le journal a été retrouvé depuis, était fils de Juan de Eredia Aquaviva et de doña Helena Vassiva, fille du roi de Supa de Macassar. Né en 1563, il se destinait à l’état ecclésiastique, mais à dix-sept ans il y renonça pour se livrer à l’étude des cartes, des portulans, des écrits de Marco Polo et de Vertomanus. C’est un esprit curieux et ingénieux, d’une extraordinaire vanité, enregistrant avec une emphatique complaisance les plus petits faits qui le concernent, ses goûts, ses aptitudes, sa généalogie, évidemment préoccupé de préparer de son vivant sa propre histoire. Son Sumario da vida n’a d’autre but que de fournir à son biographe futur les détails les plus minutieux sur son existence.

Il a ouï parler de l’Ile d’Or, et il raconte tout au long ce qu’il a appris dans un mémoire pompeusement intitulé : Informaçao da Aurea Chersoneso e das ilhas Auriferas, Carbunculas e