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de Houtman. Pois, quand ces navires eurent disparu à l’horizon, sans se lasser ils se remirent à l’œuvre, armèrent d’autres bâtimens prêts à suivre Houtman s’il réussissait, à chercher une autre voie s’il échouait.

Houtman revint après trois ans. Un de ses navires s’était perdu en route ; les trois autres, fort éprouvés, rapportaient leurs pleins chargemens d’épices. Il rendit compte de son voyage : non sans peine il avait trouvé la route. Huit bâtimens appareillèrent immédiatement pour les Indes. « On équippe ici pour y envoyer, écrivait alors le baron de Buzenval, ambassadeur d’Henri IV près des États, d’autres navires qui se gouverneront mieux. Si ces gens le font, les Portugais sont en danger de ne pas jouir longtemps des richesses de l’Orient. Car tous ces païs, qui sont pleins de navires et de matelots, y courront comme au feu. C’est beaucoup qu’un navire ait fait le chemin aux autres et fait paroistre qu’il ne tient qu’à entreprendre qu’on soit aussi riche que les Espagnols. » Deux ans plus tard, le 20 février 1600, il écrivait à M. de Villeroi : « Il y a peu de temps, huit grands vaisseaux d’Amsterdam sont partis pour aller charger du poivre aux Indes orientales. Il n’y a pas de mois qu’il ne parte quelque compagnie pour fureter quelque côte desdites Indes et y dresser quelque trafic. Et ce qui me fait croire que les particuliers y profitent, c’est qu’ils ne sont pas sitost de retour qu’ils n’équippent derechef pour y revoler. »

Ils en profitaient, en effet, et les mesures, aussi malencontreuses qu’arbitraires, de Philippe II préparaient la grandeur de la Hollande. Une indescriptible animation régnait dans les ports de ce petit état ; toute une flotte se construisait dans ses chantiers, s’armait dans ses arsenaux. Arraché à son flegme, le Hollandais n’en gardait que ce qu’il fallait pour parer aux échecs et diminuer ses risques, en intéressant à ses opérations les négocians d’Anvers, auxquels, en loyal associé, il faisait la part belle dans le succès. Grâce à ce concours, en 1598, vingt-deux navires mettaient à la voile, Anvers ayant fourni 1 million de livres en or. Telles étaient les notions d’économie politique du temps que « les archiducs, écrit M. de Buzenval, ayant été informez que la plupart de cet argent sortait des comptoirs d’Anvers, ont voulu voir et faire examiner les livres des marchands de ladite ville, afin de découvrir ceux qui continuent leur négoce avec ceux de deçà, ce qui a fait frémir beaucoup de gens de par-delà, estant cette procédeure très répugnante aux libértez de ladite ville, et comme la mort de si peu de trafic qui y reste. »

En 1600, une partie de la flotte rentrait au port ; elle rapportait entre autres choses, dit Buzenval, une riche cargaison d’épices, 600,000 livres de poivre payé 7 deniers la livre, 250,000 livres de clous de