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flots tièdes du courant équatorial, contourne, par la mer de Timor, l’Australie septentrionale, se dirige sur Madagascar et Ceylan, franchit le canal de Mozambique, double le cap de Bonne-Espérance, remonte la côte de Guinée et débouche dans le golfe du Mexique, d’où, changeant de nom, il vient, sous celui de Gulf-stream, baigner les côtes occidentales de l’Europe, dont il élève la température. Au nord, le courant du Japon, ou Kuro Sivo, décrit une courbe vers les îles Kouriles, côtoie la mer de Behring et vient rejoindre à la hauteur de l’île Vancouver les côtes de l’Amérique, qu’il longe pendant près de 800 lieues jusqu’à la Mer Vermeille.

Dans l’organisme de notre globe, ces grands courans qui l’encerclent et le sillonnent charrient des pôles à l’équateur les eaux glacées des mers arctiques et des mers antarctiques, les réchauffent et, dans leur mouvement circulaire, les entraînent du centre à la circonférence, de même que, dans l’organisme humain, les artères font affluer au cœur le sang qui reflue aux extrémités. Sous l’appel constant de l’évaporation solaire, ces eaux froides vont tempérer l’ardeur des climats tropicaux et porter ensuite aux régions moins favorisées la chaleur empruntée aux zones torrides, abaissant et relevant ainsi tour à tour le niveau de la température.

Agens puissans de locomotion, ils ne se bornent pas à répartir plus également la chaleur et le froid sur les divers points du globe, ils transportent encore d’un lieu à un autre les graines et les semences que l’ouragan détache, que leurs eaux entraînent dans leur parcours et rejettent sur les Attols en formation aussi bien que sur les plages des îles et des continens. La plupart des archipels de l’Océanie ont ainsi reçu des grands archipels d’Asie la faune et la flore qui les parent et dont les semences, emportées par les cours d’eau, flottent sur la mer jusqu’au moment où le courant les saisit et les charrie au large pour les rejeter sur les terres qu’il rencontre.

Dans une intéressante conférence faite à Lisieux, M. Henri Jonan a mis en relief cette action des courans : « Quand on parcourt, dit-il, le Grand-Océan, depuis l’archipel d’Asie jusqu’aux îles les plus rapprochées du continent américain, on est frappé de l’aspect uniforme de la végétation sur les terres répandues dans cet immense espace. Tous les voyageurs ont fait cette remarque ; Il y a, à la vérité, des exceptions à cette règle ; ainsi beaucoup de plantes de certaines îles manquent dans les autres. On doit s’attendre a priori à ce que les îles basses coralligènes qui tiennent une si grande place dans l’Océanie, — plus de 4 millions d’hectares, alors que la totalité des îles hautes n’en occupe que 3 millions, — et dont le sol, à peine élevé au-dessus de l’eau, n’est composé que de débris