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Galapagos, les Sandwich dressent leurs montagnes géantes, volcans en éruption constante qui ont soulevé ces archipels au-dessus de la mer et sans relâche entassent leurs amas de roches plutoniennes, faisant craquer leurs ceintures trop étroites de récifs, comblant l’océan de leurs scories brûlantes, charriées par des fleuves de lave qui déroulent, sur plus de 20 lieues de longueur et une lieue de largeur, leurs flots rouges frangés d’écume noire.

Tous ces volcans jalonnent des lignes de brusque dépression, c’est-à-dire que tous sont situés sur le flanc le plus roide des rides de l’écorce terrestre, et correspondent à une côte abrupte qui s’enfonce rapidement sous les flots. C’est dans leur voisinage, en effet, que se trouvent les grandes profondeurs sous-marines de 7,000 et de 8,000 mètres. On en a conclu, et un examen plus attentif a confirmé cette hypothèse, que ces ouvertures souterraines correspondaient aux boursouflures du sol, offrant à la pression interne une moins grande force de résistance, et que ces saillies pouvaient et devaient être des lignes de fente. On a constaté, en effet, que ces volcans formaient des séries linéaires parfaitement alignées. « Rien n’est plus net que la direction rectiligne des volcans du Chili et du Mexique s’étendant, la première, sur 1,500, la seconde, sur 1,000 kilomètres. Si à Java on trace une ligne droite suivant l’axe principal de l’Ile, on peut constater qu’elle passe exactement par les volcans de Salak, Gédé, Slamat, Sumbing, Merbabu, Lawu, Tengher et Idjend[1]. » Ainsi s’expliquent également et la singulière connexité de leurs phénomènes se manifestant sur des points très éloignés, et les lignes de croisement de plusieurs directions distinctes.

Humboldt estimait à 223 le nombre des volcans en activité sur notre globe, dont 190 dans l’Océan-Pacifique. C’est là aussi que l’on a, pu constater les tremblemens de terre les plus violons et les éruptions les plus terribles. On se souvient de l’effroyable désastre de Krakatoa. Déjà, en 1703, une secousse de tremblement de terre avait détruit Yeddo et causé la mort de 200,000 habitans. Celle qui ébranla le Chili en 1861 donna lieu à des oscillations d’une amplitude telle que les étoiles paraissaient s’agiter dans le ciel. C’est à Yalparaiso que je sentis pour la première fois le sol onduler sous mes pieds, et que j’éprouvai cette sensation si bien décrite par Humboldt : « Nous perdons tout à coup notre inébranlable confiance dans la stabilité du sol. De tout temps, nous étions habitués au contraste entre la mobilité de l’eau et l’immobilité de la terre. Le sol tremble, et ce moment suffit pour anéantir l’expérience de toute la vie. Une puissance inconnue se révèle soudainement ; la solidité de notre globe

  1. Géologie de A. de Lapparent.