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Oh ! l’admirable nuit dans la clarté stellaire !
Le Chariot, guidé par l’étoile Polaire,
Flamboyait dans le ciel d’un azur ravissant ;
Le Chemin de Saint-Jacque était éblouissant
Et, comme un fleuve ayant des diamans pour ondes,
Laissait couler à flots sa poussière de mondes.

J’avais fait deux cents pas encor dans le faubourg,
Quand jusqu’à moi parvint, d’abord confus et sourd,
Mais bientôt plus distinct, un suave cantique.
Une petite église ouvrait là son portique.
On y chantait le Mois de Marie ; et ce chœur
De fraîches voix d’enfans m’attendrissant le cœur,
Dans la profonde paix de cette nuit si belle,
Pieux pour un instant, j’entrai dans la chapelle.

Tout m’y charma : l’encens au parfum vague et pur,
La fuite des piliers dans l’édifice obscur
Où brillait, seul, l’autel tout radieux de cierges,
L’orgue, dans l’unisson des enfans et des vierges
Laissant rêveusement son soupir se noyer ;
Tout, jusqu’à la fraîcheur de l’eau du bénitier,
Où je trempai l’index par ancienne habitude.

Oui, mais je trouvais là presque la solitude.
Je vis, en m’avançant sous l’un des bas-côtés,
L’église aux trois quarts vide et ses bancs désertés.
Des figures cherchant l’ombre, à peine vivantes,
Quelques femmes en deuil, de rustiques servantes,
Les fillettes des sœurs en bonnets de linon,
C’était tout l’auditoire ; — et point d’hommes, sinon
De pauvres vieux tournant entre leurs doigts de cire
Le chapelet des gens qui ne savent pas lire.

Tout à coup dans la chaire un vieux prêtre apparut
Et prêcha. Son sermon était simple et tout brut :
Le ton d’un paysan et la foi d’un apôtre.
Que disait-il ?

Hélas ! à peu près comme l’autre,
Il disait rudement que le siècle est mauvais,
Que nos efforts sont nuls, nos travaux imparfaits,