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mais plusieurs savans anglais la renversent complètement ; ils déclarent, par exemple, que certains granits prétendus éruptifs ont été produits dans l’emplacement même où ils sont actuellement, ou du moins ne sont jamais venus des grandes profondeurs de la terre. On peut donc se passer du feu central et expliquer cependant divers phénomènes postérieurs à la consolidation de l’univers. Effectivement, il est indiscutable qu’un des trois élémens nécessaires du granit, le quartz, surtout s’il forme des grains volumineux et s’il domine dans la roche, est criblé d’un nombre infini de cavités minuscules pleines d’eau et visibles au microscope sous un fort grossissement. M. Sorby conclut à l’origine aqueuse du minéral, et le même auteur fait observer que la présence, dans les granits de la Cornouaille, d’une multitude de petites tourmalines capillaires, rend peu croyable l’application d’une chaleur supérieure au rouge sombre, qui aurait fondu les tourmalines.

En ce qui touche les volcans, les savans de l’école antiplutonique se refusent à croire qu’un réservoir commun serve à alimenter toutes les bouches, et sont d’avis que chaque cratère est nourri par un foyer spécial, ce qui revient à concevoir l’existence d’un certain nombre de lacs ou de bassins dissimulés au sein de la croûte. Du reste, suivant eux, rien n’empêche de supposer que des canaux mettent en communication les réservoirs ignés : il se peut aussi que l’étendue de ces réservoirs, loin d’être limitée au sous-sol de la région minée par les feux souterrains, soit assez considérable. Mais, ce qui est hors de doute, c’est que non-seulement les matières vomies par les divers volcans diffèrent beaucoup entre elles, mais encore les éjections de deux cratères assez voisins l’un de l’autre sont loin d’être comparables. L’Etna déverse des roches acides (c’est-à-dire riches en silice), au lieu que les dépôts accumulés par le Vésuve sont de nature basique[1].

Poursuivons notre raisonnement dans le même esprit de critique : nous voilà naturellement conduits à nous demander si, pour expliquer la formation des montagnes, il est indispensable d’avoir recours à une force venue d’en bas et de supposer une poussée verticale faisant surgir les chaînes. Un résultat est-il forcément l’effet immédiat d’une cause déterminante ? Non sans doute, et, pour citer un exemple familier, ne voyons-nous pas, dans un appareil Carré, la chaleur du foyer de charbon créer une certaine quantité de glace, c’est-à-dire provoquer un phénomène d’ordre absolument

  1. Les avocats du feu central, pour expliquer ce fait, ont supposé l’existence du cloisonnement divisant la masse brûlante ; sans avoir même recours à cette explication, il suffit d’attribuer ce défaut d’homogénéité de la masse pâteuse à son extrême viscosité, qui s’oppose au mélange des diverses parties.