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l’état solide, en élevant artificiellement le degré de liquéfaction s’il s’agit d’un corps qui augmente de volume en fondant. Tel est le cas du soufre, pour nommer un corps usuel ; tel est aussi le cas des principales roches. Pour l’eau et pour d’autres matières dilatables par congélation, la règle est inverse. On s’est dit qu’à raison de la chaleur interne, une couche assez épaisse de laves pouvait parfaitement acquérir une notable fluidité, tandis que la forte pression exercée par ce liquide maintenait toutes les parties inférieures à l’état solide, et cela en dépit de l’accroissement de température. Quelques géologues ont été moins affirmatifs et se sont bornés à faire observer que personne ne sait ni ne peut juger quelle est la plus énergique de ces deux influences qui se contrarient réciproquement. Il est possible d’ailleurs que ce déplacement du point de fusion soit un phénomène limité, et peut-être qu’au-delà de certaines bornes un énorme surcroît d’écrasement ne détermine qu’un retard de quelques dixièmes de degré pour la température de liquéfaction.

On voit qu’il n’est pas déraisonnable d’imaginer un noyau solide bien que passablement chaud, entouré par une couche de rocs en fusion, et finalement une croûte superficielle froide et rigide enveloppant le tout. C’est l’hypothèse que Roche avait adoptée comme conclusion de ses recherches ; actuellement, M. Stanislas Meunier semble partager la même croyance. Tout en admettant que la terre a été autrefois entièrement fluide, le géologue anglais Green fait observer que les parties extérieures solidifiées les premières seraient retombées, grâce à leur excès de poids, au sein de la masse interne encore liquide. Dans les environs du centre régnait une pression très forte, qui empêchait une nouvelle fusion de se produire. Un noyau solide interne s’agglomérait donc au cœur du globe et s’accroissait jusqu’à ce que les zones moyennes fussent devenues trop pâteuses pour livrer passage aux substances refroidies. Dès lors, les couches extrêmes perdaient du calorique par rayonnement et par conductibilité, mais ne s’enfonçaient plus comme auparavant, et une coque encroûtait la surface. Entre la pellicule et le noyau, les zones moyennes conservaient l’état liquide ou pâteux qu’elles ont peut-être encore. Cette théorie suppose toutefois qu’une compression énergique s’oppose absolument à la liquéfaction.

Une autre opinion, qui, en apparence, diffère peu de celle du feu central, mais qui, en réalité, s’en éloigne par de fortes divergences, est la doctrine de la « croûte épaisse. » Hopkins l’a présentée sous sa forme la plus absolue, c’est-à-dire la moins admissible, en proposant l’hypothèse d’une planète parfaitement liquide, mais douée d’une enveloppe externe entièrement solide de 1,200 à 1,500