Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 83.djvu/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

très apparentes, la planète n’est pas fluide ; et même, si l’on compare les résultats du calcul aux données expérimentales, on trouve que les marées sont plus hautes que si le globe possédait la rigidité du verre, matière assurément peu déformable. Thomson se croyait donc en droit de conclure à une cohésion presque absolue. Malheureusement, la hauteur des marées tient à d’autres causes fort complexes, trop difficiles à analyser pour que l’on puisse en tenir compte dans des formules. Le même auteur s’est également appuyé sur la précession pour établir, chiffres en main, la solidité presque absolue du monde où nous vivons ; mais, pour être parfaitement exact, nous tenons à dire que l’éminent physicien a fait plus tard amende honorable devant un congrès scientifique tenu à Glasgow, et qu’il a reconnu, sinon la fausseté, du moins l’insuffisance de ses objections à l’égard d’un noyau liquide (1876).

Il est incontestable que les partisans de la fluidité intérieure se sont vu souvent adresser un argument assez spécieux, quoique non irréfutable. En admettant l’existence d’un liquide parfait, ou même d’une pâte brûlante, on est par cela même obligé de supposer qu’une pression effroyable, dirigée dans tous les sens, et notamment de haut en bas, s’exerce déjà au sein des couches voisines de la coque ; ces couches elles-mêmes pèsent sur les parties intérieures, qu’elles écrasent de leur poids. A mesure que l’on se rapproche du centre de la terre, les différentes zones concentriques reçoivent, de la part de celles qui leur sont supérieures, des poussées de plus en plus énergiques. Les actions élémentaires accumulées ne sont peut-être pas intégralement transmises, mais il suffit qu’elles le soient en partie. La pesanteur diminue, il est vrai, au-delà d’une certaine limite de profondeur, de sorte que, à épaisseur égale, les couches les plus écartées sont celles dont l’effet se trouve le plus considérable ; néanmoins, celles du cœur ont l’avantage d’être beaucoup plus denses, et les deux causes, agissant en sens opposé, peuvent se balancer. Quoi qu’il en soit, si l’on pouvait immerger d’un demi-myriamètre seulement un objet quelconque dans cet abîme de feu, il subirait une compression bien supérieure à celle que les derniers perfectionnemens de la physique moderne permettent de réaliser dans nos laboratoires. L’imagination humaine est impuissante à concevoir la tension des molécules reléguées vers le noyau ; peut-être faudrait-il chiffrer par millions d’atmosphères ! Comment alors concilier ce résultat avec ce qu’on sait positivement au sujet de la densité moyenne du globe, et même avec ce qu’on est fondé à croire exact relativement à la condensation centrale ? La médiocrité des nombres trouvés, les uns absolument certains, les autres fort probables, ne correspond pas,