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actionnaires. Détail assez curieux : ce sont les caisses d’épargne qui là-bas dirigent les bureaux de perception, adjugés aux enchères à ceux qui soumissionnent au taux le plus bas ; elles entretiennent avec les banques populaires, avec les sociétés de secours mutuels, les rapports les plus intimes, conseillent celles-ci, les subventionnent, répandent partout les institutions de prévoyance.

Il y a quelques années, 95 banques populaires publiaient une statistique d’où il résulte qu’elles avaient 89,000 cliens ou associés, parmi lesquels les agriculteurs figuraient pour un tiers environ ; ainsi la clientèle n’est pas exclusivement agricole : condition presque indispensable, affirment M. Luzzati et ses disciples, pour le crédit agraire, qui a besoin d’un contrefort et exige de longues échéances. C’est pour avoir voulu s’y soustraire que la loi de 1869 a échoué ; c’est pour remédier à ce défaut que le gouvernement italien a présenté, en 1885, et vient de faire voter un projet conçu dans un esprit beaucoup plus large. Il faut, disait Luzzati au congrès des banques populaires italiennes, il faut que les opérations de commerce soient associées à celles du crédit agricole. Les banques populaires reversent dans les campagnes les dépôts recueillis dans les villes, de même qu’au moyen âge le crédit agraire est sorti des cités lombardes.

Le groupe des dix banques de la province de Trévise a formé une sorte de syndicat pour émettre des bons de trésor de l’agriculture et aider les cultivateurs dans les opérations à long terme. Ces bons portent la signature de la banque, du président du groupe ; le taux d’intérêt est fixé par le conseil des présidens ; des prud’hommes agricoles donnent leur avis sur les demandes de prêts.

Le défaut du crédit populaire italien, c’est qu’il est cher et inégal, puisqu’il varie de 5 à 8 pour 100 pour les prêts, de 4 1/2 à 9 pour 100 pour les escomptes. E pur si muove ! Et cependant il gagne du terrain, fait chaque jour des prosélytes, trop heureux d’échapper à l’usure, fléau économique qui dévore littéralement certaines provinces. A côté de taux d’usure qui s’élevaient à 100 pour 100, les cultivateurs ont dû bénir ceux qui leur apportaient de l’argent à 6 ou 7 pour 100, et le considérer comme une manne providentielle. « Je crois être en paradis, disait un nouveau client des banques rurales, lorsque je compare ce que je paie maintenant à ce que je donnais autrefois aux usuriers. »

A côté des banques populaires Luzzati, conçues sur le modèle des banques Schulze-Delitsch, un autre savant doublé d’un homme de bien, M. le professeur Léon Wollenborg[1], a fondé il y a trois

  1. Leone Wollenborg, l’Ordinamento delle Casse di prestiti, 1884. — La Cooperazione rurale.