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dont elle a voulu être l’alliée. Sur ce point, le fait est accompli, tout est décidé ; le renouvellement de l’union avec l’Allemagne et l’Autriche a été signé, il y a quelques mois déjà, par M. de Robilant, alors ministre des affaires étrangères ; mais il reste l’exécution, la manière d’entendre, de pratiquer cette alliance dont les Italiens se sont donné le luxe inutile ou compromettant, et c’est là un problème toujours assez épineux. M. Depretis, en laissant signer la triple alliance par M. de Robilant, avait eu aussitôt l’art de s’en réserver l’application, et il était assez avisé pour se hâter de dégager une semblable combinaison de tout ce qui pouvait compromettre les relations de son pays avec la France. Un ministère nouveau, M. Crispi ou tout autre, un politique moins adroit, plus impatient d’action et d’éclat, peut aisément raviver les susceptibilités internationales et faire de cette alliance un péril. Il n’en faudrait peut-être pas beaucoup si les gouvernemens n’y prenaient garde. L’Italie, enfin, a désormais devant elle et chez elle, à n’en pas douter, une question qui se réveille décidément, qui n’est pas la moins grave et la moins délicate de toutes : c’est tout simplement la question de ses rapports avec la papauté, de la coexistence des deux pouvoirs à Rome.

Le pontificat et le royaume d’Italie continueront-ils à vivre dans les conditions où ils ont vécu jusqu’ici depuis l’entrée des Italiens à Rome ? Y aura-t-il une réconciliation entre le Vatican et le Quirinal ? Évidemment les idées de conciliation ont retrouvé, depuis quelque temps, une sorte de popularité ; elles sont agitées partout, et le pape Léon XIII, par son habileté, par son esprit de mesure, par la position qu’il a reprise, a certainement contribué plus que tout autre à faire revivre, à répandre ces idées. Le pape procède avec l’art d’un fin et profond tacticien. Il ne hasarde rien et n’abandonne rien sans doute. Tout récemment encore, il faisait adresser par son nouveau secrétaire d’état, le cardinal Rampolla, à tous les nonces, une circulaire maintenant tous les droits du saint-siège, et il adressait lui-même au cardinal-secrétaire d’état une lettre où il précisait et commentait les instructions aux nonces ; mais, en même temps, il est bien clair que l’esprit nouveau qui est au Vatican a son influence. Les signes d’un changement d’attitude dans le clergé se multiplient depuis quelque temps. Sur certains points, dans ces derniers mois, les chefs de l’église se sont associés avec une sorte d’ostentation à des cérémonies nationales. Le roi Humbert a reçu les hommages empressés de l’épiscopat à Florence, à Sienne, même à Terni, qui est un diocèse des anciens états du saint-siège. Les catholiques fidèles du royaume auraient même été, dit-on, invités à reprendre activement leur place dans la politique, et ils ont eu, il y a quelque temps, des succès dans les élections municipales de Rome. Le pape marche lentement, patiemment, avec l’autorité d’une modération habile, avec la force que lui donnent ses