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Découverte en 1642, par Abel Tasman, la Nouvelle-Zélande, bien que située à 400 lieues de distance seulement de l’Australie, n’offre avec ce continent aucune analogie. Découpées en ports profonds, en anses nombreuses, ses côtes offrent un grand nombre d’excellens mouillages. De formation essentiellement volcanique, le sol se relève en hauts plateaux accidentés, qui viennent aboutir à une chaîne de montagnes abruptes, sorte d’épine dorsale et centrale qui se renfle et s’abaisse en lignes onduleuses pour atteindre, à son point culminant, la montagne Cook, une altitude de 13,200 pieds. Le pays, très boisé, est en outre bien arrosé et offre sous ce rapport un contraste marqué avec l’Australie, où l’eau fait défaut.

Située sous la zone tempérée, la Nouvelle-Zélande est merveilleusement adaptée aux cultures de cette zone, notamment le blé, l’avoine et l’orge, ainsi qu’à quelques-unes des productions semi-tropicales. Occupée par la Grande-Bretagne en 1839, déclarée colonie indépendante en 1841, elle donna de suite des résultats remarquables au point de vue de l’agriculture et de l’élevage du gros bétail. Ses hauts plateaux, couverts d’épais pâturages, étaient, quoique moins étendus que les vastes plaines de l’Australie, préférables pour ce genre d’exploitation.

Entre les deux races indigènes de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie, le contraste était aussi heurté qu’entre le sol et le climat. Doux, craintif, timide, l’Australien ne songeait nullement à entrer en lutte avec cette race nouvelle qui envahissait son continent, le dépossédait et le refoulait dans l’intérieur, ne lui laissant pour subsister que les districts les plus arides et les plus désolés. Le courage, la force et les armes lui manquaient pour résister. Race grêle et chétive, aux membres frêles, au ventre énorme, au visage aplati, au front bas et étroit, disgraciée de la nature, condamnée d’avance, elle se soumit humblement, avec une résignation fataliste. Il n’en fut pas de même pour le Maori.

Grand, vigoureux, bien découplé, expert dans l’art de fabriquer des armes, habile à s’en servir, courageux et dur à la fatigue, il offre une analogie frappante, par ses traits physiques, ses qualités et ses défauts, avec les Canaques des îles Sandwich. Sa langue est la même, l’origine est commune. D’après ses traditions, il est originaire d’Havaiki. Est-ce de la grande île d’Hawaî, ou de Sawaï, dans l’archipel Samoa, qu’il est venu coloniser la Nouvelle-Zélande ? En tout cas, son histoire, sur ce sol, ne remonte pas au-delà de vingt-cinq générations, soit cinq cents ans. Sa religion se rapproche de celle des Havaïens. Comme eux, il avait érigé le tabou en institution ; un être tabou était sacré, une rivière, une demeure déclarées