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plus mobile et plus capable de résister, en cas de nouvelle guerre, aux entreprises de la cavalerie ennemie.

La formation des troupes en divisions permanentes était, depuis bien des années déjà, le vœu de tous les hommes de guerre expérimentés. C’était le seul moyen de permettre aux divers corps de passer du pied de paix au pied de guerre, et d’arriver, par le contact de tous les jours, par des exercices et des manœuvres d’ensemble, sous des chefs permanens, à cette cohésion qui fait les armées solides et disciplinées. L’ordonnance capitale du 17 mars 1788 venait de réaliser cette grande réforme.

L’organisation des milices subsistait toujours telle qu’elle avait été réglée par l’ordonnance de 1778 et 1779 : à 78 bataillons de garnison, destinés à doubler les 78 régimens de ligne, à 14 régimens provinciaux et à 15 régimens de grenadiers royaux.

A dire vrai, cette organisation était plus importante sur le papier qu’en réalité ; car depuis la paix, à part les régimens de grenadiers royaux, qui avaient été rassemblés de loin en loin et partiellement, aucun appel n’avait eu lieu. Cependant, au premier danger de guerre, comme les cadres subsistaient toujours, la mise en activité des troupes provinciales n’eût souffert aucune difficulté.

La maison du roi, dans un temps où le souverain et les princes du sang avaient, à l’exception de Condé, cessé de paraître aux armées ou n’y faisaient que de malheureuses apparitions, comme le duc d’Orléans à Ouessant, n’était plus qu’un coûteux anachronisme, une troupe de parade, que de glorieux souvenirs ne protégeaient plus qu’imparfaitement contre la malignité publique. Elle avait déjà perdu plusieurs corps et elle était destinée, dans un temps prochain, à subir de nouvelles réformes, que l’état des finances commandait impérieusement. Mais le mal n’était pas bien grand ; c’était même une opinion fort répandue dans le militaire que, si l’armée gagnait à cette réforme la création de trois ou quatre bons régimens de ligne, sa force n’en serait nullement diminuée.

Le commandement, par suite de plusieurs causes, les unes fortuites et qui tenaient plus aux hommes qu’aux choses, les autres inhérentes à l’ancien régime, à sa constitution et à ses défauts, n’était pas toujours demeuré à la hauteur de sa tâche. La vénalité des emplois, l’absence d’une règle d’avancement, la multiplicité des grades, enfin et surtout le favoritisme en faisaient souvent la proie des incapables et des intrigans. Tant que le pouvoir s’était perpétué dans la main de princes tels qu’Henri IV, Louis XIII et Louis XIV, et de ministres comme Sully, Richelieu et Louvois, l’armée n’avait pas eu trop à souffrir de ces vices d’organisation et de ces abus. Sous Louis XV, au contraire, à l’époque de la Pompadour, elle y avait perdu toute force