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plus s’ouvrir devant lui. Elle prive l’état du savoir et de l’expérience de serviteurs éprouvés ; enfin, elle grève outre mesure les finances publiques, qui ont à supporter tout à la fois la pension du fonctionnaire qui se retire et le traitement de son successeur. Les pensions civiles constituent pour le budget un fardeau de plus en plus lourd : de 1876 à 1886, en dix années, cette charge s’est accrue de plus de 40 millions, et le projet de budget de 1888 y ajoute 1,899,000 francs. N’est-il pas temps de s’arrêter dans cette voie ?

On invoque, pour la multiplication des retraites anticipées, la même excuse que pour les créations d’emplois. Si on fait disparaître prématurément quelques fonctionnaires, si on érige des bureaux en division, si on crée des postes de chefs de division faisant fonction de directeur, ou de chefs et de sous-chefs adjoints, c’est pour prévenir le découragement au sein du personnel. Les cadres demeureraient encombrés si on n’y créait artificiellement des vacances ; on récompense par des situations temporaires les fonctionnaires méritans dont l’avancement hiérarchique se ferait trop attendre. Il est inutile d’insister sur la futilité de ces excuses. Les cadres ne seraient pas encombrés si on n’avait pas multiplié les employés et si on n’en accroissait pas journellement le nombre ; l’avancement suivrait une marche régulière s’il était soumis à des conditions déterminées, et surtout si les ministres n’obstruaient pas toutes les carrières en appelant d’emblée aux postes élevés leurs créatures et les fruits secs de la politique. Le problème de concilier la stabilité des cadres et le respect de la hiérarchie avec l’avancement des fonctionnaires, ou tout au moins avec l’amélioration de leur situation, s’est posé dans tous les pays aussi bien qu’en France ; seulement il y est résolu d’une tout autre façon. Si la France est, comme nous l’avons déjà dit, le seul pays qui n’ait point de cadres fixés législativement, elle est aussi le seul pays où les fonctionnaires administratifs soient demeurés taillables et corvéables à merci, et où leur sort soit laissé entièrement à l’arbitraire d’un ministre qui passe et que la brièveté de sa carrière politique soustrait à toute responsabilité. Partout ailleurs, on s’est préoccupé de donner au fonctionnaire des garanties et de lui assurer des avantages qui l’attachent à son emploi. En Angleterre, au bout de cinq années de services, tout fonctionnaire a droit à une augmentation annuelle de son traitement, jusqu’à ce qu’il ait atteint le maximum de la classe à laquelle il appartient ; la quotité de cette augmentation est de 10 pour 100 pour la dernière classe ; elle décroît progressivement de classe en classe jusqu’à 5 pour 100 pour la classe supérieure. En Belgique, les fonctionnaires ont