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même valeur. Combien y a-t-il de ces lycées en état de se suffire ? Dans nombre de ces établissemens, chaque élève coûte au budget de 3,000 à 4,000 francs, c’est-à-dire le triple ou le quadruple de la pension que paie la famille ; les élèves des lycées de filles reviennent à près de 6,000 francs par tête. N’est-on pas fondé à demander si le gouvernement a le droit de donner l’enseignement au-dessous du prix de revient, et de faire payer aux contribuables l’éducation que quelques privilégiés reçoivent dans ses établissemens ?

Il conviendrait donc de renoncer désormais à toute création nouvelle, et de supprimer immédiatement une trentaine de lycées souffreteux, reconnus d’ores et déjà incapables de se suffire jamais par leurs seules ressources. On devrait également supprimer l’internat dans bon nombre de lycées, ce qui permettrait d’en réduire notablement le personnel. En concentrant les boursiers de l’état dans les lycées conservés, on assurerait à ceux-ci une population suffisante pour que le niveau des études s’y maintînt à une certaine élévation. Tant que le gouvernement ne se décidera pas à laisser l’enseignement se constituer à l’état de force libre, mieux vaut pour lui avoir une cinquantaine de lycées doués de quelque vitalité, que d’entretenir une multitude d’établissemens valétudinaires, desservis par un personnel indigent et privé de toute indépendance.

Nous avons eu, ici même, occasion de parler de la ruineuse folie des constructions scolaires et de ses désastreuses conséquences pour le budget. Nous n’y reviendrons pas. Le jour où un homme de quelque sens et de quelque fermeté arrivera au ministère des finances, son premier acte sera de demander la liquidation immédiate de la caisse des écoles et de la caisse des lycées. Quant au personnel de l’enseignement primaire, on l’a leurré par des promesses menteuses, et on l’a voué à la misère. En 1879, d’après les statistiques officielles, il y avait 13,759 instituteurs et institutrices ayant moins de 800 francs de traitement ; leur nombre approche aujourd’hui de 32,000. Il y avait 17,788 instituteurs ou institutrices recevant de 800 à 1,000 francs ; il y en a actuellement plus de 23,000. Au lieu d’améliorer la situation de ces malheureux qu’on a accablés de flatteries dans un intérêt électoral, on leur a interdit tous les moyens qu’ils pouvaient avoir de se créer un supplément de ressources. Quand pourra-t-on, pour leur tenir parole, ajouter au budget de l’instruction primaire les 240 millions demandés, en 1883, par M. Antonin Dubost, ou même les 138 millions auxquels M. Paul Bert se restreignait, l’année suivante ?

Le ministère des postes et télégraphes présente la singulière anomalie d’une administration dont les bénéfices diminuent à mesure que ses recettes s’accroissent. Dans le budget de 1886, les