Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 82.djvu/78

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quelquefois l’intervention angélique était sollicitée par des moyens qui se rapprochaient un peu plus de la magie, par exemple par un béryl consacré, c’est-à-dire une sorte de cristal bombé enchâssé dans un disque de cuivre sur lequel étaient gravés les noms des principaux anges. On faisait ce qu’on nommait un appel ( a call) par le moyen de certaines prières, et si l’appel était entendu, les esprits apparaissaient dans le cristal, ou, à leur défaut, l’ordonnance du médecin céleste s’y laissait lire. Voilà une bien innocente magie, mais aussi une bien étrange façon de pratiquer la médecine, n’est-il pas vrai? Si étrange qu’elle soit, cette médecine miraculeuse n’en a pas moins des explications fort naturelles. Comme la science, même la plus profane, était encore, qu’elle le voulût ou non, soumise à la domination des doctrines chrétiennes, on était enclin à regarder la vie du corps comme une dépendance de la vie de l’âme, en sorte qu’il y avait entre la théologie et la médecine une alliance assez étroite pour qu’il ne fût pas de médecin qui ne tînt à passer pour bon théologien. Par suite de cette alliance ou de cette confusion, les deux ministères se trouvaient fréquemment réunis chez les ecclésiastiques, et les circonstances historiques se chargèrent de multiplier ce cumul dans des proportions exceptionnelles. On lit, en effet, dans les lettres que Gilbert White a consacrées aux antiquités de sa paroisse de Selborne, qu’un très grand nombre des ministres anglicans qui furent dépossédés de leurs bénéfices pour n’avoir pas voulu adhérer au Covenant se rejetèrent pour gagner leur vie sur l’exercice de la médecine. Ce fait, peu connu, peut servir à expliquer la faveur dont jouissait cette médecine merveilleuse. Dans leur nouvelle profession, ces ecclésiastiques portaient tout naturellement les pratiques de la première, et de même qu’ils employaient naguère la prière pour obtenir la cure des âmes, ils l’employaient maintenant pour obtenir la cure des corps.

Ce n’était là cependant qu’une des formes de cette médecine superstitieuse. Il y en avait d’autres beaucoup plus répandues qui se sentaient encore des vieux paganismes celtique et scandinave dont elles étaient issues. La plus connue était celle des charmes, ou vieilles formules de médecine magique transmises par tradition immémoriale et à demi christianisées dans le cours de cette longue transmission. Il y en a dans Aubrey une superbe collection, qui ne laisse rien à désirer pour la variété et l’ineptie. Il y en a pour les hommes, il y en a pour les animaux, il y en a pour les maisons hantées des mauvais esprits, il y en a pour empêcher la bière de tourner, pour prévenir le cauchemar, pour repousser les sorcières. On faisait aussi de la médecine par le moyen des enfans. « Diverses personnes ont été guéries du mal du roi (écrouelles) par l’attouchement