Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 82.djvu/759

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hospices, ses maisons de retraite, ses écoles, ses orphelinats, ses refuges, fondés et entretenus par elle, a le droit d’avoir son « lieu d’inhumation particulier, » pour parler comme le législateur de l’an xii. Quelle ampleur prendrait alors cette œuvre du repos éternel, qui est la suprême consolation des Israélites indigens, et qui deviendrait alors la grande maîtresse des sépultures !

Le comité de bienfaisance a le droit de posséder, puisqu’il a été reconnu établissement d’utilité publique, et les terrains qu’il serait dans la nécessité d’acquérir ne seraient point trop considérables, car il résulte d’un document que j’ai sous les yeux qu’avec le système des concessions munies de dix-huit cases propres à recevoir un cercueil, un hectare suffit à quatre-vingt-dix mille inhumations. Est-ce que ce projet n’a pas de quoi tenter la générosité de quelques familles dont la richesse est célèbre ? La veuve du roi Mausole, pour avoir élevé un tombeau, est entrée à jamais dans l’immortalité de l’histoire. Quel renom n’auraient pas dans Israël ceux qui le doteraient de la demeure où il pourrait à perpétuité dormir au milieu des siens, isolé comme il aime à l’être, sur une terre que nul « étranger » ne pourrait fouler ! Puisqu’il a été délivré des lois d’exception qui l’ont régi pendant si longtemps, pourquoi ne fait-il pas effort afin de se libérer des promiscuités mortuaires auxquelles répugnent ses croyances, ses traditions et son orgueil ? Une fois de plus, il démontrerait ainsi qu’il ne recule devant aucun sacrifice lorsqu’il s’agit d’affirmer sa vitalité. Tant que les morts seront l’objet d’un culte pieux, il est bon de ne rien épargner pour mieux vénérer leur mémoire. Le cimetière juif, séparé par un mur du cimetière banal, mais enclos dans la même enceinte, rappelle encore le Ghetto des temps passés ; il est juste que les israélites aient leur cité des morts où seuls les gens de leur race et de leur culte pourront trouver asile, comme aux Indes anglaises les Parses, bien moins nombreux cependant que les juifs, ont leur « Tour du Silence, » isolée et loin des autres cimetières. Ce jour-là, Israël pourrait chanter avec le psalmiste : « Dieu rétablit les bannis dans leur maison et fait sortir les captifs de leurs fers ! »

J’ai dit ce que la communauté de Paris fait en faveur de ses malades, de ses infirmes, de ses vieillards et de ses morts. Pour être complet, il me reste à dire de quels soins elle entoure les enfans, quelles précautions elle prend pour leur ouvrir les bonnes portes de la vie et dans quelle proportion elle vient au secours des misères du groupe social auquel elle appartient ; c’est ce que j’essaierai bientôt.

Maxime Du Camp.