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Il a été reconnu, dans la conférence internationale de 1878, qu’en matière de circulation métallique, chaque état a le droit et le devoir de consulter avant tout la situation où il se trouve et d’agir suivant son intérêt, sans considérations extérieures. L’intérêt de la France est d’opérer au plus tôt l’évolution qui se généralise ; nous sommes dans de bonnes conditions pour le faire : notre pays est celui où l’or monnayé se trouve en plus grande quantité. Quant à l’argent, je crois avoir démontré qu’il n’existe pas chez nous en surabondance telle, que la limitation de son pouvoir soit impraticable. La frappe des pièces de 5 francs étant déjà suspendue, il reste, pour compléter la réforme, à restreindre sa force légale dans les paiemens. Par ménagement pour des habitudes séculaires, on pourrait poser la limite à 100 francs pour commencer, en stipulant qu’elle serait réduite de 10 francs, année par année, jusqu’à ce qu’elle eût été abaissée à 50 francs, ce qui est le terme généralement adopté dans les pays à circulation d’or. Cette limitation ne serait pas une gêne dans la pratique, et le public, qui en comprendrait la nécessité, s’y accoutumerait promptement. Il est rare aujourd’hui que les simples particuliers fassent des paiemens en argent au-delà de 100 francs. Quant aux petits commerçans, on pourrait, comme en Allemagne et dans les pays Scandinaves, désigner des caisses publiques où ils seraient admis à échanger contre de l’or des sommes en monnaie d’argent dont le minimum serait fixé. Le devoir comme l’intérêt de la Banque de France serait de venir en aide à cette transformation par des procédés qui mettraient en mouvement les amas de métal blanc inertes dans ses caves ; elle a maintenu en circulation l’année dernière pour une somme de 1,416 millions des billets de 100 francs et au-dessous. Il suffirait d’en réduire le nombre pour que les pièces de 5 francs fussent employées plus largement dans les affaires ; un mouvement plus actif en userait peu à peu la surabondance ; la circulation française arriverait avec le temps à l’état normal.

L’état, de son côté, aurait à prendre quelques mesures préservatrices ; par exemple ne plus autoriser la frappe des pièces d’or au-dessous de 20 francs, et retirer de la circulation, pour les transformer, les pièces de 10 francs, dont un grand nombre, affaiblies par le frai, ne sont déjà plus exportables. On devrait exiger que les droits de douane à l’entrée fussent acquittés en monnaie d’or ; ce qui est déjà la règle en Allemagne, en Autriche-Hongrie, en Russie. La limitation du pouvoir de l’argent laisserait moins de marge à la contrefaçon, puisqu’il ne serait plus possible d’écouler de grosses sommes à la fois, et il y aurait à chercher des moyens de défense contre la fraude de plus en plus menaçante. Il conviendrait enfin qu’une publicité intelligente, des avis officiels vulgarisant les notions