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balance parlementaire en faveur des goldmen ; on ouvrira les yeux de plus en plus sur les embarras et les dangers résultant du monnayage forcé de l’argent ; l’inévitable retrait du Bland-bill, conseillé successivement par quatre présidens, sera voté par le congrès. La déchéance du métal blanc sera dès lors irrémédiable. Il en résultera dans le monde commercial un ébranlement moins prolongé, moins inquiétant qu’on le suppose, car on y est presque partout préparé ; la secousse sera particulièrement dangereuse pour l’Union latine, et surtout pour la France, si on ne s’est pas préalablement garanti en ramenant le système monétaire de ce groupe à l’état normal, c’est-à-dire à une franche adoption de l’étalon d’or.


V

Deux objections, passées à l’état de lieux-communs, sont opposées par les bimétallistes au principe de l’unité monétaire : l’or, disent-ils, n’existe pas en assez grande quantité dans le monde pour suffire aux besoins commerciaux ; la déchéance des deux métaux précieux, neutralisant une forte partie des instrumens d’échange, a eu pour effet la baisse universelle des prix et l’amoindrissement général des affaires. Examinons.

On ne saurait prétendre à une rigoureuse précision quand il s’agit d’évaluer les quantités d’or existant dans le monde. En rapprochant les données diverses qui ont été recueillies, on reçoit une impression un peu vague, mais qui ne doit pas s’éloigner beaucoup de la réalité. Remarquons d’abord que les chiffres produits à ce sujet correspondent à la mesure généralement ad mise, dans le monde commercial, pour l’expression des valeurs, savoir : 3,444 francs pour 1 kilogramme du métal à l’état pur.

L’histoire de cette production se divise naturellement en deux périodes, l’une antérieure aux découvertes de la Californie et de l’Australie, l’autre partant de 1850 jusqu’à nos jours. Pour l’époque ancienne, qui comprend trois siècles et demi (1500 à 1850), en cherchant le chiffre probable dans les suppositions émises par les savans des divers pays, on peut adopter la somme de 16 milliards de francs. Pour les trente-six années écoulées de 1851 à 1886, le gouvernement des États-Unis, particulièrement intéressé dans ce labeur des peuples, en a suivi les développemens avec autant de vigilance que ce genre d’exploitation en comporte. Les informations recueillies successivement par le directeur des monnaies ont fourni à un banquier de New-York, M. Valentine, les élémens d’un tableau fort intéressant, où l’on peut suivre les rendemens année par année et par pays producteurs ; j’en donne le résumé exprimé en francs :