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mettrait en équilibre tous les intérêts. Ce plan, impatiemment attendu, parut enfin le 20 septembre ; il consistait dans la faculté accordée à chacun de déposer au trésor en quantité illimitée des métaux précieux, or ou argent, et de recevoir en retour des certificats de 50 francs, recevables au pair et sans distinction d’origine dans toutes les parties de l’Union, avec legal tender pour tous les emplois possibles. Ces bullion-certificates auraient été rédimables par le trésor en monnaie d’argent, au cours du marché des mentaux précieux, la valeur relative de l’or et de l’argent devant, être réglée chaque mois par le secrétaire de la trésorerie.

On voit par ce projet que les hommes de l’argent n’osaient plus demander le monnayage illimité de ce métal, et qu’ils consentaient à tenir compte des variations du marché. Le vice fondamental du bimétallisme eût-il été corrigé pour cela ? Bien au contraire ; la combinaison proposée n’était pas autre chose qu’un monnayage dissimulé. Cette faculté de communiquer immédiatement à l’argent un pouvoir d’achat égal à celui de l’or attirerait à New-York tous les lingots inemployés ailleurs, et la production du métal blanc, déjà encombrante aux États-Unis, s’augmenterait des arrivages de tous les pays. Les monométallistes n’eurent pas de peine à démontrer que cette manière de réformer le Bland-bill serait plus dangereuse que le Bland-bill même. Le compromis Warner et d’autres projets analogues n’ont pas été pris au sérieux. Les silvermen n’ont plus au service de leur cause que ce genre de prépondérance et cette clientèle naturellement acquise à des hommes qui peuvent chaque année faire sortir de la terre des centaines de millions.

N’est-il pas remarquable qu’au moment où les banquiers bimétallistes de l’Europe attribuent la crise actuelle aux obstacles opposés au libre cours de l’argent, les sommités financières et politiques des États-Unis, les administrateurs de banques, les notables de l’industrie et du commerce, les directeurs de la monnaie, le secrétaire de la trésorerie, et même le président de la république, dénoncent le monnayage libre de l’argent comme une source de calamités ? Il faut que l’évidence du péril soit bien saisissante et que la conviction des hommes d’état soit bien forte pour que le président, M. Cleveland, l’élu des démocrates du sud et de l’ouest, se mette en contradiction avec les tendances intéressées du parti qui l’a porté au pouvoir, comme il a fait dans son message présidentiel de décembre 1885. Il faudrait puiser largement dans ce remarquable message ; je regrette de n’en pouvoir détacher que quelques1 lignes :

L’autorisation de battre monnaie, dit M. Cleveland, donnée au congrès par le pacte fédéral, est implicitement limitée à l’étendue