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900 millions ; masse énorme, dont le poids représente déjà 6 millions de kilogrammes, et qui augmentera encore de 600,000 kilogrammes chaque année, tant que le Bland-bill suivra son cours. Une telle situation ne peut pas être indéfiniment prolongée.

En 1884, avec des ressources immenses et un développement de richesse dont on ne se fait pas une juste idée en Europe, le gouvernement éprouvait de sérieux embarras. Il encaissait des excédens de recettes et ne savait comment les utiliser. Procéder trop rapidement à la liquidation de la dette publique, c’était jeter le trouble dans beaucoup d’existences ; les rentiers protestaient contre le remboursement d’un capital dont ils n’auraient su que faire. On hésitait à retirer de la circulation les titres du 3 pour 100 ; c’eût été restreindre l’essor des banques, qui ont besoin de ces papiers pour constituer les dépôts de garantie que la loi exige d’elles. Et, d’ailleurs, ces richesses de l’état étaient-elles facilement réalisables ? Au 1er novembre 1883, il y avait eu réserve au trésor 786,663,800 francs en or et 604,864,075 francs en argent, et le même jour, les encaisses des banques réunissaient 579,127,085 fr. en or, et en argent 51,239,630 francs seulement, y compris pour plus de moitié les silver certificates, c’est-à-dire dix fois moins pour les deux mille deux cents banques, — c’était le nombre constaté à cette époque, — que pour l’état à lui seul.

Il n’est pas étonnant qu’il se fût trouvé des jours où le trésor fédéral, encombré d’argent et à court d’or pour son service, eût accepté les secours des banquiers. Ceux-ci avaient à craindre que le gouvernement fût réduit par la force des choses à entamer la réserve en or des greenbacks, ou, pis encore, à se libérer de ses dettes avec de l’argent, comme les silvermen le conseillaient. Les banques de New-York se coalisèrent pour mettre à la disposition du trésor public une somme de 100 millions en or, et firent immédiatement un versement de 30 millions en échange de monnaies divisionnaires d’argent. L’inquiétude assombrit les affaires. Une crise commerciale éclata si violente que, dans les premiers mois de 1884, on a compté 117 faillites de banques et de caisses d’épargne, au lieu de 4 faillites et 19 suspensions temporaires pendant la période correspondante de l’année précédente. Le contre-coup se fit ressentir à Londres, où le lingot déprécié fléchit de plus en plus.

fl n’y avait plus à s’aveugler, la crise avait pour cause principale les anomalies du système monétaire. Depuis cette époque, l’opinion publique semble tourmentée par une inquiétude maladive ; l’année 1885 a été marquée par un redoublement de meetings, de polémiques par la presse, de coalitions, de projets contradictoires. Les silvermen tenaient en échec leurs adversaires en annonçant qu’un compromis élaboré par le leader de leur parti, M. Warner (de l’Ohio),