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foi, sous la clause consacrée par l’usage du paiement en or. Pour les obligations émises par l’état, l’engagement était formel ; pourrait-on honorablement se décharger d’une dette en attribuant une valeur idéale à un métal surabondant et déprécié ? et d’ailleurs, si cette déloyauté autorisée par la loi devait être subie avec résignation à l’intérieur, elle serait impraticable à l’égard des étrangers, qui ont absorbé la plus grande partie des emprunts créés pendant la guerre civile, et à qui on doit fournir chaque année plus de 100 millions de francs pour acquitter les intérêts. Dans le camp opposé, la résistance s’organisa sur une vaste échelle ; elle alla même dans, plusieurs états jusqu’à l’extrême limite qui touche à la rébellion. A Chicago, par exemple, un mass-meeting, déclarait en termes menaçans que « la démonétisation du dollar d’argent a été accomplie à la sourdine, par voie de trahison et de fraude, » et que, sans s’inquiéter s’il y a erreur ou félonie chez les représentant qui ont voté cette mesure ou chez le président qui l’a sanctionnée, il faut en exiger le rappel et « démontrer aux détenteurs du pouvoir qui siègent à Washington que le peuple se s’endort pas, que la situation n’admet ni délai ni compromis d’aucune sorte, et que seule une soumission absolue et sans condition peut mettre un terme à d’aussi justes exigences. » Dans l’Illinois, on ne se contentait pas de menaces, on agissait. L’assemblée de cet état votait une loi donnant cours légal à la monnaie d’argent pour toute sorte de dettes publiques ou privées payables sur son territoire.

Pendant ce temps, on cherchait à Washington un terrain de conciliation. Diverses combinaisons étaient proposées par des sénateurs ; dans la pratique, elles aboutissaient fatalement à deux procédés : refondre le dollar d’argent pour mettre sa valeur officielle en rapport avec le prix courant du métal, ou bien laisser le cours libre à l’argent en limitant sa force libératoire à 100 francs pour tous paie-mens, à l’exception des droits de douane, toujours exigibles en or. Des impatiens complotaient de trancher le différend par une sorte de coup d’état. En 1876, un comité d’enquête avait été institué par le sénat pour étudier les faits avec maturité et préparer les élémens d’une solution conforme aux intérêts du pays. Un rapport volumineux parut en octobre 1877 ; il était confus, hésitant, et, d’après les votes émis par la majorité de la commission, il aboutissait à cet étrange résumé que, puisqu’il y a tendance en Europe à adapter l’étalon unique d’or, l’avantage de l’Union américaine serait de revenir à son ancienne législation monétaire et de restaurer l’étalon unique d’argent. Le rapport était à peine connu qu’il fat mis à l’ordre du jour dons les deux assemblées.

On sait que le mécanisme des institutions américaines appelle au congrès les représentans des états et territoires à mesure qu’ils sont