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des idées par l’attention ne fait qu’ajouter un courant intérieur et constant aux autres courans d’idées, qui se trouvent alors subir une orientation comme dans les phénomènes d’induction électrique. Le révérend George Henslaw, doué d’une faculté qu’avait déjà Goethe, voit, quand il ferme les yeux et qu’il attend un moment, l’image claire de quelque objet : cet objet change de formes pendant aussi longtemps qu’il le regarde avec attention, mais, en étudiant la série de formes qui se succèdent, on reconnaît que le passage de l’une à l’autre est fourni tantôt par des relations de contiguïté, tantôt par des relations de ressemblance. Ainsi, dans une de ses expériences, les images suivantes se présentèrent : un arc, une flèche, une personne tirant de l’arc et n’ayant que les mains visibles, un vol de flèches occupant complètement l’œil de la vision (contiguïté), des étoiles tombantes, de gros flocons de neige (ressemblance), une terre couverte d’un linceul de neige (contiguïté), une matinée de printemps avec un brillant soleil (contiguïté et contraste), une corbeille de tulipes, disparition de toutes les tulipes à l’exception d’une seule; cette tulipe unique, de simple, devient double; ses pétales tombent rapidement, il ne reste que le pistil, le pistil grossit, etc. Nous voilà revenus à la fleur que Goethe, en penchant la tête, voyait s’épanouir, se ramifier et se métamorphoser. Eh bien ! quand Goethe composait Faust, il était également obligé d’attendre la résolution intérieure d’une équation qui avait pour termes des images et des idées : son « aperception » réagissait pour éliminer ce qui ne convenait pas au dessein choisi; elle établissait un intérêt dans le développement du spectacle interne, un nœud dramatique. Fait d’importance capitale, sans doute, qui n’est cependant encore qu’une complication des lois nécessaires de l’association, ou, si l’on veut, du raisonnement; c’est toujours l’introduction d’un courant supérieur qui, comme un tourbillon atmosphérique de force irrésistible, se subordonne le reste, emporte tout dans son cercle propre, impose sa direction aux feuilles des arbres qu’il détache, à la poussière qu’il soulève, aux vagues de la mer qu’il agite, aux voiles des barques qu’il gonfle et pousse devant lui. Ce n’est pas sans raison qu’on a comparé l’inspiration de l’artiste à un souffle qui entraîne toutes ses pensées : ce souffle est un sentiment un désir déterminant et dominateur.

Nous ne voyons pas davantage que l’aperception joue un rôle mystérieux dans la formation des idées générales. — Celles-ci se forment, dit M. Wundt, par la mise en relief d’un caractère important, aperçu et trié parmi les autres ; ainsi, parmi tous les caractères du cheval, il y en a un qui a vivement frappé l’Arya primitif, la vitesse ; pour les Aryas, le cheval fut le rapide; l’homme fut le penseur ou le