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cartons de la Guerre de Pise et de la Bataille d’Anghiari, que l’admiration publique allait bientôt acclamer.

Dans une ville aussi privilégiée, les enseignemens s’offraient en foule à Raphaël. Avec autant de conscience que de perspicacité, M. Müntz a nettement fait ressortir l’action que plusieurs des devanciers ou des contemporains du maître devaient tour à tour exercer sur son talent, Donatello et Masaccio, par exemple, auxquels nous le voyons emprunter des figures ou même des fragmens de compositions. Aux noms de ces deux précurseurs, il convient de joindre celui d’un autre artiste dont on n’a peut-être pas suffisamment relevé et caractérisé l’influence dans l’œuvre du Sanzio; nous voulons parler de Ghiberti. M. Müntz rapporte à ce propos qu’au retour de son dernier voyage à Florence, Charles Blanc avait été frappé des analogies qu’il avait remarquées entre l’admirable ordonnance de l’École d’Athènes et plusieurs des bas-reliefs de la seconde porte du Baptistère, notamment celui de la Reine de Saba devant Salomon. Mais ce n’est pas seulement aux œuvres en question, ni à la disposition générale des lignes et au groupement des personnages que se bornent ces analogies, qui nous paraissent devoir être étendues au talent des deux maîtres, à leur façon pareille de comprendre et d’exprimer la beauté, à cette souplesse d’exécution, à ce sens exquis de la mesure, à cette variété charmante des draperies et des poses, enfin, à cette grâce accomplie des proportions et des types que nous retrouvons au même degré chez tous deux. Ces adorables figures de femmes que l’on admire dans l’Eve naissante et l’Eve chassée du Paradis, ou dans les Anges apparaissant à Abraham on oublie trop que le grand sculpteur florentin les avait créées près d’un siècle avant Raphaël, qui ne nous paraît pas avoir rien produit de plus parfait en ce genre.

Ce n’est pas seulement, non plus, parmi les précurseurs que l’Urbinate trouvait des modèles à imiter. Sans parler de D. Ghirlandajo et surtout de fra Bartolommeo, auxquels il devait faire aussi plus d’un emprunt, Raphaël allait demander à Léonard et à Michel-Ange des exemples encore plus hauts. Toujours désireux d’accroître son talent, il ne pouvait manquer d’être frappé des qualités nouvelles que lui montraient les deux maîtres alors le plus en vue, et qui étaient appelés à exercer sur leur jeune émule une influence dont M. Müntz a soigneusement relevé les nombreux témoignages.

On le voit, à mesure que Raphaël était ainsi amené à séjourner dans des centres de plus en plus considérables, il y trouvait, avec des artistes d’un mérite croissant, des enseignemens phis efficaces et dont, avec les années, il était mieux à même de comprendre et de s’assurer le bénéfice. Aussi, nous l’avons dit, dans ces diverses