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l’atelier de F. Francia, Viti, rentrant, en 1495, à Urbin pour s’y fixer, ait, à l’âge de vingt-sept ans, subi l’influence de Raphaël, qui alors n’en avait que douze. Les affinités incontestables qu’on remarque entre les premiers essais du Sanzio et les œuvres que Timoteo produisit à cette époque l’amitié durable qui s’établit entre eux, la déférence même que Raphaël devait plus tard témoigner à Francia, qu’il avait sans doute connu par son disciple, bien d’autres considérations encore confirment, à notre avis, l’opinion de M. Morelli, et donnent à ses hypothèses un caractère de vraisemblance tout à fait décisif.

Quoi qu’il en soit, la prolongation de séjour de Raphaël à Urbin permet de mieux comprendre l’amour qu’il conserva toujours pour cette ville, et la sympathie qu’il y sut inspirer à ses souverains. Ce furent là, au début de sa carrière, des années fécondes de travail et de recueillement. Son patrimoine, bien que très modique, lui permettait de ne pas trop abréger le temps de ces études désintéressées, si nécessaires à l’instruction d’un artiste. Avec sa souplesse naturelle et cette facilité d’assimilation qui est un des privilèges les plus précieux de son heureuse organisation, il pouvait à la fois concilier des admirations et acquérir des qualités très diverses. Son originalité, bien que réelle, ne devait donc apparaître que peu à peu ; mais, si timidement qu’il s’y manifeste, le sentiment ingénu de la grâce et de la beauté perce déjà dans ses dessins et dans ses premiers essais de composition.

Aussi, quand, vers 1500, il arrive à Pérouse, c’est plus qu’un élève, c’est un aide que Pérugin va trouver en lui. À ce moment, le maître était dans toute sa gloire ; mais il commençait à ressentir un peu de fatigue, et, avide de gain comme il l’avait toujours été, il dut éprouver quelque satisfaction à bénéficier d’un si utile concours. Parmi ces populations attachées à leurs vieilles croyances, le cercle des sujets qui s’offraient aux peintres était alors assez restreint. Sans trop s’écarter des traditions, Raphaël, suivant la remarque de M. de Rumohr, allait les rajeunir, « grâce à cette faculté propre aux artistes supérieurs de communiquer à des données qui semblent épuisées une fraîcheur et une vie nouvelles. » Plus largement que ses prédécesseurs, il y fait intervenir la nature ; mais il sait, tout en lui empruntant ses traits les plus familiers, conserver la gravité qui convient à de pareils sujets. Frappé par le charme pittoresque du paysage environnant, il s’attache à rendre discrètement l’intime douceur et la sérénité de ses horizons. Sur cet esprit si prompt à recevoir les empreintes, l’influence de Pérugin s’était d’ailleurs bientôt substituée à celle de Timoteo Viti. Nous en constatons la trace positive dans plusieurs ouvrages de cette époque, dans les