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profiter de la baisse du métal pour frapper des pièces de 5 francs qui passaient en grande partie chez nous. En 1873, la Belgique en fabriqua pour 112 millions, somme hors de toute proportion avec les besoins d’un petit pays. En cette même année, la frappe française était montée an chiffre de 155,610,000 francs. La circulation italienne, où les coupures du papier étaient abaissées jusqu’à 50 centimes, faisait déborder chez ses voisins presque toutes ses espèces métalliques. On s’aperçut enfin chez nous que la France devenait une espèce de puisard où s’écoulait l’argent déprécié du monde entier. Le gouverneur de la Banque écrivait alors au ministre des finances : « Au mois de mai 1875, au moment où la Banque de France reprenait volontairement ses paiemens en espèces, son encaisse en argent, y compris les monnaies divisionnaires, n’était que de 310 millions, tandis qu’il s’élève aujourd’hui, octobre 1878, à 1 milliard 12 millions. » L’année suivante, l’encaisse argent était augmentée de 212 millions de plus, tandis que l’encaisse or avait perdu près de 500 millions.

Il fallait aviser. La fabrication des pièces de 5 francs en argent, suspendue chez nous par décret depuis 1876, fut complètement interdite en 1878. Des mesures analogues furent prises par les gouvernemens belge et italien. Ces innovations, d’une portée considérable, rendaient nécessaire une entente nouvelle entre les contractans de l’Union latine. D’autres puissances étaient désireuses de régulariser leur situation monétaire, soit en faisant prévaloir l’unité d’or, soit avec l’espoir de relever l’argent de sa déchéance .au moyen d’un accord universel.

Le 10 août 1878 fut ouverte à Paris, sous la présidence de M. Léon Say, une conférence où onze gouvernemens étaient représentés, et notamment les États-Unis, exceptionnellement intéressés dans le débat. Pendant dix-sept séances en deux sessions, le problème des deux métaux a été analysé avec une remarquable dextérité, débattu de part et d’autre avec une passion à peine contenue ; on a échangé des documens de toute sorte. Tant de travaux n’aboutirent qu’à une résolution impliquant une sorte de statu quo. Les états reconnaissaient « qu’il est nécessaire de maintenir dans le monde le rôle monétaire de l’argent aussi bien que celui de l’or, mais que le choix entre l’emploi de l’un ou de l’autre de ces métaux, ou de l’emploi simultané des deux, doit avoir lieu suivant la situation spéciale de chaque état ou groupe d’états ; » et qu’en raison des obstacles et des difficultés qui surgissent, « il n’y a pas lieu de discuter la question d’un rapport international de valeur à établir entre les deux métaux. » Cette solution était confirmée par les gouvernemens intéressés, aux termes d’une convention internationale