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Je ne voudrais pas trop insister sur ce point scabreux ; je me borne à dire que le danger de la contrefaçon, si l’on prenait la peine d’y réfléchir, suffirait à lui seul pour entraîner d’urgence les peuples de l’Union latine à l’adoption de l’étalon unique d’or. Dans la séance de la conférence internationale tenue le 7 mars 1878, M. Pierson, directeur de la Banque des Pays-Bas, s’écriait : « Cette frappe clandestine des pièces d’argent, je la considère comme un des grands dangers de la situation monétaire des pays à étalon boiteux. Si, à cette heure, le mal ne s’est pas encore manifesté, rendez-en grâces à Dieu, car vraiment votre sagesse n’y est pour rien. » Lorsque M. Pierson parlait ainsi, l’écart entre l’or et l’argent était de 12 pour 100. Près de neuf ans se sont écoulés, et la plus-value de l’or représente 30 pour 100 au moins !


IV.

Il ne suffit pas que l’état actuel de la circulation française autorise l’adoption chez nous de l’étalon unique d’or; encore faut-il qu’il n’existe pas, en dehors de la France, des forces métalliques, des circonstances commerciales de nature à entraver notre réforme et susciter contre nous des éventualités périlleuses. C’est ce qu’il convient d’examiner. A l’extérieur, la France n’est liée que par le contrat de l’Union latine ; c’est là le seul engagement formel qu’elle doive respecter, tout en s’appliquant, de concert avec ses coassociés, à effectuer une liquidation difficile et onéreuse, et qui le deviendra d’autant plus qu’elle sera plus retardée. Le temps est venu d’y songer. Il y a urgence de prendre des mesures défensives contre une débâcle possible de l’argent.

A peine constitué, en décembre 1865, le pacte des pays latins fut faussé par l’obligation où se trouva l’Italie, en 1866, d’organiser un système de cours forcé au moyen de ses banques. Un peu plus tard, la guerre de 1870 infligea à la France le même régime, de sorte qu’une convention ayant pour principe la parité de la monnaie métallique comprenait deux états sur quatre, et les principaux, réduits à l’usage du papier. Cette fatalité coïncidait avec la production surabondante de l’argent provenant des mines américaines. L’argent affluait en Europe et surtout aux hôtels monétaires français, où la frappe était libre. L’Allemagne, qui préparait à petit bruit son passage au monométallisme, transformait ses vieux thalers en lingots d’argent et les faisait passer en France, où ils retrouvaient, sous les balanciers de Paris ou de Bordeaux, leur ancienne valeur du 15 1/2. Nos coassociés de l’Union ne se faisaient pas faute de