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le cours de l’argent. Le billet couvre la déchéance de l’argent, parce qu’on sait qu’il suffît de le présenter au guichet pour avoir de l’or. S’il y avait deux billets, l’un garanti par le milliard d’argent, l’autre par le stock d’or, le premier subirait une perte et l’autre ferait prime.

Plaçons-nous dans l’hypothèse d’un système monétaire ramené à l’état normal. L’or est l’unique étalon à force libératoire illimitée, avec la frappe libre. L’argent, réduit à l’état fiduciaire, n’est plus employé avec plein pouvoir que par faibles sommes, à moins de conventions spéciales ; quelle sera la situation de la Banque ? Le pouvoir légal de l’argent monnayé étant fixé à 100 francs, par exemple, la Banque pourra déclarer qu’elle ne reçoit à la fois pas plus de 100 francs en écus, et comprendra les mêmes sommes en écus dans tous les paiemens effectués par elle. Cet écoulement du métal blanc, ainsi restreint à l’entrée et à la sortie, aurait pour effet d’amoindrir peu à peu le stock argent et d’établir naturellement entre les métaux précieux une proportion conforme aux besoins de la circulation et au principe du système monétaire qui tend à se généraliser. Il y aura pour la Banque une situation métallique indiscutable et une sécurité plus grande pour ses actionnaires.

Bien des gens s’étonneront que l’argent ait plus de force et d’utilité parce qu’on limite son emploi : rien de plus naturel. Le cuivre, frappé en monnaie, accomplit un service indispensable; mais son prix commercial est tellement au-dessous de la valeur conventionnelle fixée par la loi que si sa fabrication et son usage n’étaient pas resserrés dans d’étroites limites, il se multiplierait au point de troubler toutes les transactions et deviendrait un fléau; et de même pour l’argent. Depuis que l’exploitation des régions lointaines est à l’ordre du jour, le déchirement de la terre pour en arracher les richesses est poursuivi avec une ardente fièvre ; de tous côtés on signale des trouvailles. On lisait récemment dans le Times que le grand chemin de fer du Canada, traversant des contrées peu abordables jusqu’ici, avait mis à découvert des gisemens d’argent et de cuivre, et notamment un terrain de 25 milles anglais carrés d’une richesse stupéfiante. Ces exploitations et d’autres dont on ne parle pas encore viendront en surcroît des quantités déjà surabondantes énoncées dans les statistiques. Quant aux mines connues, il ne faut pas croire que la défaveur du métal argent les ait résignées à réduire leur production; tout au contraire, les propriétaires cherchent à conserver leurs anciens revenus malgré la baisse, par l’augmentation des quantités vendues, et ils sont aidés dans cette spéculation par les perfectionnemens incessans de l’industrie, par les nouveaux chemins de fer et les progrès de la navigation, qui diminuent