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Il est donc évident qu’un système qui limiterait à 100 francs au maximum et pour commencer, la force libératoire du métal argent ne changerait en rien les habitudes actuelles du consommateur français et n’aurait aucune influence sur les prix commerciaux qui ont pour régulateur, chez nous comme dans le reste du monde, la valeur de l’or. Pour le public, aucune gêne, pas de sacrifice ; l’argent, dans les limites de la loi nouvelle, conservera son pouvoir actuel, limite qui pourrait d’ailleurs être franchie par un accord entre les contractans ; mais en ce qui concerne la Banque de France, il y a une situation spéciale qui n’est pas sans difficulté.

C’est l’énorme proportion de l’argent dans la composition de l’encaisse métallique qui est pour le public une cause d’anxiété. Les derniers bilans accusent une existence d’environ 1,176 millions; de cette somme, 33 pour 100 au moins, soit 392 millions, consistent en écus étrangers, mais ces pièces doivent disparaître dans la liquidation dont je parlerai plus loin, liquidation qui aura pour effet, au grand avantage de la Banque, d’augmenter son encaisse or en allégeant la charge écrasante du métal blanc. Restera pour l’encaisse argent 784 millions, ou, pour mieux dire, 760, car il y aurait à déduire les pièces divisionnaires possédées par la Banque, et non comprises dans cette évolution. Un fonds de caisse de 760 millions en argent, réduit à l’état d’appoint, serait assurément un peu lourd, mais non pas excessif.

La Banque d’Angleterre est autorisée, par les statuts de Robert Peel, à conserver un quart de son encaisse en argent ; elle ne fait pas usage de cette faculté, l’argent lui est à peine nécessaire. La Banque de France, au contraire, avec son immense service qui rayonne de Paris sur la France entière, et qui intervient dans toute sorte de détails, possède quatre-vingt-quatorze succursales et trente-huit bureaux auxiliaires, soixante-sept villes rattachées, huit villes réunies à un de ces établissemens, c’est-à-dire deux cent huit villes bancables à pourvoir de monnaie d’appoint. Dans l’état actuel, elle fait presque tous ses paiemens en or ou en billets, que le public préfère souvent à l’or ; elle agit prudemment : si elle s’autorisait du droit que la loi lui assure pour rembourser à ses guichets de grosses sommes avec des pièces de 5 francs, elle irriterait sa clientèle et nuirait à son crédit. A part l’ennui de la masse à transporter, le commerçant français, comme celui des États-Unis, ne tarderait pas à remarquer qu’on lui offre en paiement une valeur en perte d’un tiers et non exportable, a Une monnaie qui ne conserve plus son plein pouvoir à l’étranger, a dit un gouverneur de la Banque de France, n’est plus une vraie monnaie. » En fait, c’est le billet de banque et non pas la loi du 15 1/2 qui maintient au pair chez nous