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à la date du 31 décembre, une encaisse de 33,137 francs, il ne se trouvait pas une seule pièce de 5 francs.

Dans les encaissemens qui proviennent, non plus d’un détail de recettes, mais des opérations où l’on procède par grosses sommes, la part de l’argent est bien plus faible encore. Ainsi, sur des versemens montant à 2,250,916 francs, opérés, du 1er au 30 avril 1886, aux quatre guichets de la caisse municipale de Paris, il a été fourni en billets de banque 81.62 pour 100 ; — En or, 14.39 pour 100 ; — En argent, 3.99 pour 100 seulement. Si l’on analyse les comptes-rendus de la Banque de France, les mêmes faits apparaissent dans des proportions qui donnent le vertige. En 1885, le chiffre d’ensemble du numéraire mis en mouvement par l’immensité et la diversité des opérations s’est élevé à 46 milliards 617 millions pour la Banque centrale de Paris et à 23 milliards 832 millions dans les succursales, soit réunis, 70 milliards 449 millions en nombres ronds; dans de tels bilans, les centaines de mille francs ne sont plus que des quantités négligeables. Eh bien ! les opérations réglées par le mécanisme du virement d’écritures ont donné 43 pour 100. Les billets ont circulé dans la proportion de 52 pour 100. — Les espèces utilisées dans ce mouvement colossal dépassaient à peine 4 1/2, et comme la part de l’or, dans les remuemens métalliques, dépasse les trois quarts, le rôle de l’argent devient pour ainsi dire imperceptible[1].

On pourrait dire de la population française qu’elle est déjà, sans s’en douter, soumise et habituée au régime de l’or. Même dans les ménages où règne l’aisance, on trouverait rarement 100 francs en écus ; quand on sort, on évite d’en charger son porte-monnaie, on traite l’argent comme on traitait le cuivre il y a cinquante ans. Les petits marchands en conservent peu dans leurs comptoirs ; les gros négocians le déposent à la Banque. On ne rencontre plus comme autrefois, aux jours d’échéance, les garçons de recette fléchissant sous le fardeau des longues sacoches qu’ils jetaient sur l’épaule et qui ne comportaient qu’une médiocre valeur pour un poids énorme. Aujourd’hui, tout se règle sans fatigue, en napoléons et en billets. Quant au commerce extérieur, l’argent n’est plus de mise : il n’est plus exportable. Loin de conserver à l’étranger la valeur arbitraire du 15 1/2 que la loi lui confère, notre pièce de 5 francs, pesée comme lingot au cours du marché de Londres, serait tarifée à 3 fr. 60 au plus.

  1. Le compte-rendu de 1886 fait encore ressortir une augmentation; le mouvement général des caisses monte à 74 milliards 312 millions, et l’emploi des espèces, au contraire, est réduit, relativement à l’année précédente, de 130 millions.