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est remplacée souvent par des chèques, même pour les petits achats. Pour opérer le retrait des demi-souverains d’or usés par le frai, sans qu’il en coûtât rien au trésor, on a proposé récemment d’en vendre pour 10 millions sterling et d’acheter au cours du jour du métal argent avec lequel on aurait fait frapper pour 250 millions de francs de pièces d’appoint, sans qu’il en coûtât rien au trésor. Il y a même un commencement de réalisation. On fabrique et on émet en ce moment à Londres des pièces d’argent d’un nouveau type, approchant de notre pièce de 5 francs.

L’Allemagne, qui a si habilement converti son vieil argent en or fraîchement monnayé, ne possède au plus, en monnaie d’argent dont l’emploi légal est limité, que 442 millions de marks, soit environ 552 millions de francs ; elle a de plus laissé dans la circulation, à leur valeur habituelle, un stock d’anciens thalers représentant plus de 500 millions de francs. J’expliquerai plus loin, en parlant spécialement de l’Allemagne, pourquoi ce vieux fonds n’a pas encore été converti en monnaie nouvelle. La somme des pièces fiduciaires d’argent, dont le pouvoir d’achat est limité à 25 francs, correspond à peine à 12 francs par tête d’habitant. Cette organisation est évidemment insuffisante et transitoire ; le commerce y est à l’étroit, et il demande en ce moment, non pas le retour à la dualité des étalons, comme les bimétallistes affectent de le croire, mais une proportion plus forte de monnaie d’argent pour la facilité des petites transactions et pour les appoints. Cette affaire est à l’étude, et M. de Bismarck en est, dit-on, spécialement préoccupé. On parle d’augmenter l’émission des bons du trésor par coupures de 5 marks et de 20 marks faisant office de monnaie.

Des exemples de l’Angleterre et de l’Allemagne, on doit conclure que pour introduire l’unité d’étalon avec une monnaie inférieure à pouvoir limité, il faut que le pays ne soit pas trop contrarié dans ses habitudes commerciales par le choix du métal consacré aux gros paiemens, et que la monnaie de confiance pour les appoints et le détail maintienne l’aisance dans le courant des petites affaires, sans être assez abondante pour noyer le métal étalon au milieu d’un élément déprécié. La France, dans son état actuel, répond d’une manière satisfaisante à ces conditions : l’or y est plus abondant que dans aucun autre pays et son emploi est entré dans les habitudes. C’est une rare exception que les pièces de 5 francs fassent nombre dans les gros paiemens ; le métal blanc n’est plus d’usage qu’à l’état d’appoint, ou dans les transactions qui se règlent par de très petites sommes. Cette évolution dans notre économie nationale s’est déroulée peu à peu depuis un demi-siècle, et il est curieux d’en suivre les progrès dans un document que j’ai fait établir lorsque