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qui ont peut-être fatigué le lecteur, mais dont on comprendra bientôt l’importance. L’ensemble des pièces de 5 francs en argent d’origine française qui existent actuellement dans le monde commercial ne peut pas dépasser le total de 1,360 millions; une partie de cette somme, dont l’évaluation est très incertaine, 140 millions peut-être, est disséminée à l’étranger, notamment dans les pays de l’Union. Reste donc dans les caisses et dans les mains françaises une disponibilité de 1,220 millions. À ce fonds national viennent s’ajouter, avec un pouvoir égal, les pièces belges, italiennes, suisses et grecques, dont l’ensemble représente de 600 à 610 millions. La réunion de ces deux élémens porte au chiffre de 1,830 millions la circulation actuelle à l’intérieur des écus d’argent[1]. De cette dernière somme, la plus grande partie est pour ainsi dire immobilisée dans les caveaux de la Banque de France ; les plus récens bordereaux accusaient une encaisse argent de 1,176 millions, qui devaient se décomposer ainsi, suivant l’origine : pièces françaises, 784 millions; pièces étrangères, 392 millions. En dehors de la Banque, la somme qui reste en mouvement dans le courant des affaires doit donc être d’environ 655 millions, dont 537 millions en pièces nationales et 218 en pièces étrangères: ces chiffres sont à retenir.


II.

Il y avait une inconnue dans le problème monétaire : c’était la quantité et l’espèce de l’argent existant chez nous à l’état de monnaie. On s’en exagérait l’importance, et les bulletins hebdomadaires de la Banque de France, mal interprétés, entretenaient l’illusion à cet égard. Je crois avoir établi que la circulation n’est pas surchargée chez nous du métal déprécié, au point de faire obstacle à une réforme que l’état actuel du monde monétaire a rendue inévitable: je veux dire l’adoption par l’Union latine de l’or pour étalon unique. Je vais essayer de démontrer, en ce qui concerne la France, comment cette évolution peut être opérée, non pas sans quelque sacrifice, mais sans secousse profonde et sans danger réel.

Il me semble entendre dire : — Y pensez-vous, démonétiser l’argent, bouleverser le commerce en renversant l’équilibre des valeurs!

  1. Accessoirement à cet encombrement du métal argent, on peut faire compte de 300 millions environ pour les pièces divisionnaires et la menue monnaie de cuivre. Quant aux pièces de 100 francs à 10 francs en or, les aperçus des statisticiens sont divergens : les estimations varient de 3 milliards 1/2 à 4 milliards 600 millions. N’ayant pas soumis ces chiffres à l’analyse, je n’ai aucune raison pour les contester.