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rigueurs inutiles et temps perdu. Une mesure un peu plus efficace fut la fabrication des petites pièces d’or destinées à remplacer les écus de 5 francs ; on en émit, de 1855 à 1869, pour 233 millions.

Il y avait urgence de sauver au moins la monnaie divisionnaire dont on ne pouvait se passer. La France, l’Italie, la Belgique, la Suisse formaient un groupe soumis au même régime monétaire; on y souffrait du même mal. En 1865, un accord s’établit entre les quatre gouvernemens pour emprunter à l’Angleterre le procédé qui consiste à réduire le titre, c’est-à-dire la valeur commerciale des pièces que l’on veut soustraire à l’exportation. Pour ne pas trop déroger à la loi de l’an XI, on laissa en dehors de cette mesure les écus de 5 francs, et on crut assez faire en affaiblissant les pièces de 2 francs, 1 franc, 50 et 20 centimes au titre de 835 millièmes d’argent pur au lieu de 900. Les représentans de l’Italie, de la Suisse, de la Belgique surtout, avaient insisté pour que la pièce de 5 fr. argent fût comprise dans la convention. Cette pièce abaissée au titre de 825 eût été assimilée aux monnaies d’appoint, et comme il est stipulé par l’article 8 du contrat que, dans le cas où la convention eût pris fin, les pièces divisionnaires seraient reprises à leur valeur nominale et remboursées en or par les gouvernemens qui les auraient émises, cette prévision eût écarté une des grandes difficultés auxquelles on se heurte aujourd’hui ; mais elle eût rompu le rapport consacré par la loi entre le métal or et le métal argent. Les négociateurs français, élevés pour la plupart dans le respect irréfléchi du 15 1/2, opposèrent une résistance obstinée à cette innovation.

Le traité d’alliance signée en décembre 1865 fut voté à l’unanimité par le corps législatif en juillet 1866 ; on s’engagea pour quinze ans, sans rien prévoir concernant les monnaies de haute valeur, celles qui sont les instrumens du grand commerce et de la banque : ce fut une bien regrettable inadvertance. Le cours de l’opinion et des études à cette époque portait à l’unification universelle des poids et mesures, progrès bien désirable sans doute, qui sera peut-être réalisé un jour, mais dont l’avènement reste encore inaperçu dans les nuages de l’avenir. En consacrant l’alliance monétaire, les hommes d’état et les députés étaient sous l’influence de cette utopie. Considérant que quatre états s’engageaient par traité à ne fabriquer que des monnaies absolument identiques, ils ne voyaient aucun inconvénient à ce que les pièces, passant d’un pays dans l’autre, eussent cours indistinctement entre les quatre peuples associés. Dédaigneux pour la plupart des principes de l’économie politique, méconnaissant un des axiomes le mieux avéré de cette science, il ne leur vint pas à l’idée que les oscillations de valeur entre les deux métaux précieux sont incessantes, inévitables, et qu’elles donnent