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les dernières prescriptions scientifiques et avec tous les perfectionnemens de l’architecture moderne. Là, on a multiplié les chambres pour deux, pour quatre lits, afin d’éviter l’encombrement et la promiscuité des vastes salles des hôpitaux ordinaires ; l’hygiène s’en trouve bien et les malades ne s’en plaignent pas. De larges fenêtres versent l’air et la lumière, le ventilateur fonctionne, le calorifère est éteint, car la température est tiède, quelques malades sont au jardin et clignotent des yeux sous le soleil qui les réchauffe. C’est au mois de septembre 1873 que la maison de santé a été ouverte ; depuis lors elle n’a point chômé ; elle contient soixante lits uniquement réservés aux femmes et aux petites filles infirmes ou valétudinaires ; en 1885, le nombre des malades a été de 368, qui ont fourni 17,547 journées. La règle est d’une extrême douceur, ce qui est facile, car la quantité restreinte des malades autorise toutes les concessions. Ceux dont l’esprit de parti a obtenu « la laïcisation » des établissemens hospitaliers de l’Assistance publique feraient bien de venir visiter la maison de santé de Reuilly ; ils se convaincraient que le service spontané des infirmières volontaires, — sœurs ou diaconesses, — n’a rien de commun, heureusement, avec celui des infirmières salariées. Est-on bien certain, en faisant cette vilenie, d’obéir aux vœux de la population parisienne ? J’ai assisté, par hasard, au départ des religieuses qui avaient charge d’un hôpital d’enfans ; des groupes d’ouvriers et des femmes du voisinage les regardaient s’en aller. Si les conseillers municipaux avaient entendu l’expression des regrets et les propos tenus sur le compte de « l’édilité, » ils eussent été bien étonnés et sans doute un peu confus.

L’éducation pratique que les diaconesses ont acquise dans leur maison de santé leur est singulièrement utile lorsqu’elles remplissent un de leurs devoirs de prédilection, qui est la visite des malades à domicile. Elles ont dans leurs attributions la paroisse de Belleville et celle de Sainte-Marie, qui comprend tous les quartiers populeux allongés entre la Seine, les fortifications et le Père-Lachaise. Les escaliers sont étroits, les mansardes confinent aux ardoises, les chambres sont encombrées ; là on vit pêle-mêle, et quand la maladie se joint à l’indigence, la besogne est dure pour les diaconesses qui apportent le secours, le médicament, et la parole de consolation. Les journées sont pénibles à gravir tant de degrés, à respirer l’air méphitique de ces appartemens inhospitaliers, à refaire les lits affaissés, à entourer de soins parfois répugnans des êtres déprimés par le mal, à tout préparer pour la nuit qui sera peut-être mauvaise, à faire renouveler la provision d’eau et de bois, et souvent même à ne point reculer devant les fonctions de femme