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de l’amendement obtenu et à voir s’évanouir toute chance d’amélioration. Il m’a paru que les diaconesses ne négligeaient rien pour obtenir la confiance des enfans, pour pénétrer jusqu’au tréfonds de leur âme, et qu’elles modelaient leurs tentatives d’influence sur les caractères mêmes qu’elles veulent modifier.

La maison est divisée en deux parties, séparées l’une de l’autre et sans communication autorisée ; dans la première, on a installé le disciplinaire, et dans la seconde, la retenue. Le disciplinaire est une école professionnelle ; on y reçoit l’enseignement primaire et on y apprend un métier. L’âge des enfans que j’y ai vues varie entre sept et quatorze ans ; j’ai compté vingt-neuf élèves vêtues de cotonnade bleue, proprettes et les cheveux courts. Levées à six heures, couchées à neuf ; la journée, coupée de récréations et de repas, comporte régulièrement cinq heures de classe et six heures de travail manuel. On joue dans un préau, parfois dans le jardin ; à certains jours, on part en bande, sous la conduite d’une ou de plusieurs diaconesses, on va s’ébattre au bois de Vincennes, qui n’est pas éloigné de la rue de Reuilly, on pousse jusqu’au palais du Trocadéro pour en visiter le musée, on se promène dans les galeries du Louvre ; pendant les longues journées d’été, on va goûter dans quelque lieu champêtre des environs de Paris ; ce sont là des fêtes qui mettent ces petits cœurs en joie et leur font momentanément oublier ce que l’assiduité à la besogne a de pénible lorsque l’on est si jeune. La règle est sans sévérité, et rappelle celle que l’on applique dans les institutions scolaires où les jeunes filles de la bourgeoisie parisienne sont élevées. Les enfans du disciplinaire sont vicieuses, et c’est pourquoi elles y sont ; la plupart ont été placées par leur famille. — « C’est un vrai diable, nous ne savons qu’en faire ; tâchez d’en tirer parti. » — On est saisi tout de suite par la régularité du régime qui détermine l’emploi des heures ; en soi-même on s’insurge, on se révolte ; mais peu à peu la discipline fait son œuvre, la tempête s’apaise, et la force de l’habitude, des mêmes exercices toujours renouvelés, finissent par adoucir les exaspérées et mater les récalcitrantes. Ces fillettes sont de leur âge, c’est-à-dire étourdies, bavardes, espiègles ; les pédagogues ont, pour résumer ces imperfections, un mot que je n’ai jamais bien compris ; ils diraient : elles sont « dissipées, » c’est un défaut qui se corrige de lui-même et pour lequel il convient d’être indulgent. Les fautes que l’on commet au disciplinaire ne doivent pas être bien graves, et j’imagine que les châtimens ne sont point excessifs. Cependant il existe à côté de la classe une chambre de punition où l’on peut enfermer dans le silence et l’isolement une élève qui se montre ingouvernable ; c’est ce que dans les lycées on appellerait les arrêts, le cachot ou le séquestre.