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centrale de Mayence, un redoutable instrument d’inquisition et de répression avait été créé contre l’agitation et les agitateurs, contre les démagogues, les conspirateurs et les suspects. Par l’acte final de Vienne, l’Allemagne, organisée pour l’immobilité, allait s’assoupir sous la main de l’Autriche. M. de Metternich, habile à manier tour à tour l’intimidation ou la captation pour la bonne cause, avait eu l’art d’entraîner, de compromettre la Prusse, qui aurait pu être une rivale et dont il se faisait une complice subordonnée, une auxiliaire dans ses entreprises de réaction, en paraissant partager avec elle la domination de l’Allemagne. Il avait réussi dans sa politique; c’était la réalisation de son programme : amener l’Allemagne à ne vouloir que ce que voulait l’Autriche sans en avoir l’air.

Non, sans doute, M. de Metternich n’avait pas cédé à la tentation des circonstances en 1815; il n’avait pas essayé de faire revivre au profit de l’Autriche l’ancienne dignité des empereurs-rois des Romains. Il faisait mieux en 1819, il rétablissait par degrés, patiemment, la prépotence impériale dans la pratique. Il avait la réalité du pouvoir ; il en avait aussi assez souvent les vanités, et, à défaut du titre suranné auquel il avait renoncé, il ne se défendait pas, pour l’état autrichien dont il était le ministre, des illusions, des réminiscences de la suprématie d’autrefois. Ce n’est pas sans un secret orgueil qu’il écrivait de Francfort, à son souverain, en lui dictant, par une particularité bizarre, le langage qu’il devait tenir : « Il faut être au milieu de l’Allemagne pour voir à quelle hauteur morale la cour impériale se trouve placée. » Il se plaisait, en racontant dans ses lettres intimes les voyages de l’empereur François aux bords du Rhin, à recueillir les témoignages de la fidélité de ces populations au vieil empire, pour les opposer aux journalistes d’Iéna, et le roi de Prusse devenait visiblement pour lui un petit personnage. « Si l’on pouvait prétendre, écrit-il vers cette époque, que le bonheur d’avoir été Français et d’être Prussien l’emporte à Cologne et aux bords du Rhin sur le souvenir de dix siècles, on se tromperait fort. Le voyage sur le Rhin a été un triomphe continuel pour l’empereur, et qui a fini par être embarrassant pour lui. Tout le train a recommencé de plus belle à son arrivée à Aix-la-Chapelle. Tout ne respire que l’empire dans la ville natale et chérie de Charlemagne. Le peuple ici ne voit dans l’empereur que son successeur; il se tait quand l’un des autres souverains passe, et il ne cesse de crier partout où paraît l’empereur : Vive notre empereur !.. » A côté de l’empereur salué par les ovations populaires, le chancelier autrichien trouvait le roi de Prusse très mal placé, comme dépaysé au milieu de ses nouveaux sujets rhénans, « et, ajoutait-il, à sa place je ne serais pas venu! » c’est ce que j’appelais