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L’HISTOIRE DES MOTS

Sous ce titre : la Vie des mots étudiée dans leurs significations, un professeur de la Sorbonne, romaniste distingué, M. A. Darmesteter, vient d’écrire un agréable petit livre, bien fait pour ajouter à la popularité des études de linguistique[1]. Ce volume a surtout un mérite à nos yeux : il est facile, il est amusant à lire. Nous voyons successivement comment naissent les mots, comment ils vivent entre eux, comment ils meurent. Il s’agit du sens des mots, non des transformations de la forme, lesquelles appartiennent à un autre chapitre de la science. De toutes les parties de la linguistique, c’est certainement k plus propre à intéresser le grand public. Ici, tout appareil de haute érudition serait déplacé. Les faits qu’il s’agit d’observer n’ont rien de bien mystérieux. Ordinairement les changemens survenus dans le sens des mots sont l’ouvrage du peuple, et comme partout où l’intelligence populaire est en jeu, il faut s’attendre, non à une grande profondeur de réflexion, mais à des intuitions, à des associations d’idées, — quelquefois imprévues et bizarres, — mais toujours aisées à suivre. C’est donc à un spectacle curieux et attachant que nous convie cette histoire.

Cependant, sous l’aspect varié et changeant qu’elle présente, un esprit qui ne se contente pas des apparences peut désirer pénétrer jusqu’à la cause première, qui n’est autre que l’intelligence humaine : car de dire que les mots naissent, vivent entre eux et meurent,

  1. Paris, 1887 ; Delagrave.