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armée ne se formera contre ces nouveaux anabaptistes, aucune solution ne sera imposée par le fer. On prend un parti entre deux feux, mais ces feux ne brûlent pas. M. de Bismarck a montré à l’Autriche et à l’Italie que leurs intérêts ne s’opposent point, et que chacune d’elles trouvera dans une alliance le moyen de faire ses affaires particulières; mais les partis d’un même pays n’ont qu’une seule carrière, qui est le pays même; ils ont un commun adversaire, le maître. L’Autriche s’est détournée du nord vers l’est ; catholiques, socialistes, protestataires, progressistes ont l’œil attaché à un point fixe. Il est possible d’atténuer les effets de leur coalition, soit dans les élections, soit dans le parlement, et de grouper leurs suffrages de façons diverses : il est impossible de les réconcilier dans une commune obéissance. Tout cela est vrai, mais le chancelier fait ce qu’il peut. Ce |n’est point parce qu’il est le premier diplomate du monde qu’il gouverne comme on négocie; ce n’est point parce qu’il est, comme il a dit, «inhabile au gouvernement intérieur, » ni parce que son esprit, plié à des habitudes, en subit le joug. Il a en face de lui, dans cet empire qu’il a créé, des puissances intérieures aussi difficiles à manier que les puissances du dehors.

Toute cette habileté, jointe à l’autorité que donnent au chancelier les services qu’il a rendus à son pays, n’a pu empêcher les conflits. Deux fois, M. de Bismarck a eu recours à la dissolution, après des éclats de colère ; mais il retrouve dans le pays les partis qu’il a chassés du parlement. Il vient de remporter une sorte de victoire. Il n’a point entamé les catholiques, ni les protestataires, mais le nombre des députés socialistes a été réduit, — avantage qui est plus que compensé d’ailleurs par l’accroissement du chiffre des suffrages socialistes. Des conservateurs et des nationaux-libéraux ont conquis les sièges sur les progressistes.. Ceux-ci sont les vaincus des dernières journées électorales, justement parce que leurs doctrines ne sont point de celles qui puissent être appréciées par la masse ; ils présentent une nuance à la foule, qui ne voit que les grosses couleurs. Mais ce succès, à quel prix il a fallu l’acheter ! Au prix d’une pression électorale violente, en remuant l’Allemagne jusque dans ses profondeurs, en mettant en cause l’empire lui-même, car les élections dernières ont eu le caractère d’un plébiscite. Le chancelier a obtenu l’appui du pape auprès des catholiques, et signifié à ceux-ci, par la voix des officieux, que, dès que le saint-père a parlé, ils doivent obéir sans examen : doctrine singulièrement dangereuse, car un pape n’est l’allié perpétuel que de ceux qui sont les perpétuels alliés de l’église. Enfin il a dressé devant le peuple allemand le spectre de la guerre, troublé ou même arrêté les transactions commerciales, donné à penser