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dont chacun porte fièrement sous le bras un portefeuille. Voilà qui achève le tableau de la vie parlementaire en Allemagne. Il existe dans ce jeune empire autant de partis que dans les vieux états européens. Certains de ces partis ont, je dirai, une intensité qu’ils n’atteignent en aucun autre pays. Aucun n’est assez fort pour prétendre à former une majorité. Ils sont opposés les uns aux autres et ne peuvent s’entendre que sur un point, les droits de la nation et du parlement qui la représente.


III.

Sur ce point, toute transaction est impossible entre le parlement d’Allemagne et l’esprit du gouvernement prussien. C’est cet esprit qui a inspiré les constitutions de 1866 et de 1871, et la forme actuelle de l’Allemagne est exactement celle que la Prusse pouvait donner à ce pays unifié par elle.

L’état que la bizarrerie de sa constitution géographique a si longtemps contraint à la conquête perpétuelle ne pouvait pas ne pas conquérir l’Allemagne. Le gouvernement qui, depuis trois siècles, a eu besoin pour vivre de produire la force à jet continu, et qui l’a captée avec une rare intelligence à toutes les sources d’où elle pouvait jaillir, devait imposer à l’Allemagne un régime qui eût pour effet de produire la force. Assurer la libre circulation des personnes et des marchandises, le service des communications par voies de terre, de fer et d’eau et par une bonne organisation de la poste et du télégraphe ; mettre la marine et l’armée dans les mains de l’empereur : tels sont les principaux objets de la charte écrite par M. de Bismarck. Naturellement les titres armée et-marine ont une importance toute particulière dans ce document. Le style en est bref et net :

« La législation militaire prussienne dans son entier sera introduite immédiatement dans tout l’empire, aussi bien les lois elles-mêmes que les règlemens, instructions et rescrits qui en règlent l’exécution, les expliquent et les complètent. — La totalité des forces de terre de l’empire forme une armée unie, laquelle, en temps de paix comme en guerre, est placée sous le commandement de l’empereur. — Les régimens portent des numéros qui se suivent sans interruption dans toute l’armée allemande ; pour l’habillement, la couleur et la coupe sont réglées sur l’uniforme de l’armée royale prussienne. Les signes distinctifs extérieurs, tels que cocardes, etc., sont laissés au choix des souverains commandant les contingens respectifs. —L’empereur a le devoir et le droit de