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états; sous le poids de la puissance autrichienne, le feu ne couvait pas moins. Les souvenirs du royaume d’Italie, de l’ordre civil créé par la France se ravivaient. Les sectes ne tardaient pas à se multiplier, à renouer de toutes parts leurs conjurations secrètes. Là encore l’esprit nouveau fermentait; mais, par une mystérieuse combinaison, c’est dans le pays où s’étaient déchaînées avec le plus d’âpreté les haines contre la France, c’est surtout en Allemagne que se faisait sentir l’influence de la révolution et de l’empire. C’est en Allemagne qu’un souffle de vie nouvelle s’élevait bientôt par une sorte de contre-coup de ces événemens de 1815 qui n’avaient sûrement pas le même sens pour tous les victorieux du jour, pour l’Autriche et pour les patriotes de la Tugendbund, pour un Metternich et pour un Stein.

C’était une situation aussi étrange que nouvelle. Les chefs de la coalition européenne, que la fortune des armes avait conduits à Paris et qui venaient d’achever leur œuvre par la diplomatie à Vienne, n’avaient pas vaincu tout seuls. Ils avaient eu besoin d’intéresser les masses à leur cause, d’accepter ou de rechercher la complicité des passions populaires soulevées contre la domination étrangère, et, pour gagner les peuples, ils n’avaient pas ménagé les promesses : — promesses de grandeur nationale, promesses de réformes politiques. Tout était bon contre l’ennemi commun! Dès son entrée en Silésie, en 1813, l’empereur Alexandre, par ses proclamations aux Allemands, avait donné le signal d’une agitation presque révolutionnaire. Le roi Frédéric-Guillaume III s’était laissé entraîner par ses états-majors, par un entourage ardent de patriotes prussiens, à promettre une « constitution, » une « représentation nationale. » Les autres princes, grands et petits, à mesure qu’ils échappaient à l’influence française, et quelques-uns pour faire oublier leurs défections, avaient suivi le mouvement : ils avaient tout promis ! L’acte fédéral de Vienne avait lui-même résumé et sanctionné ces engagemens dans un article, — L’article XIII, — annonçant comme une ère représentative et libérale pour tous les états de la nouvelle confédération germanique. Le moment était maintenant venu de tenir toutes les promesses, de prolonger dans la paix l’alliance formée entre princes et peuples dans le feu de la guerre. Le problème était d’autant plus compliqué qu’il s’agitait au milieu des plus singulières confusions d’idées. Les uns rêvaient déjà l’unité allemande et voyaient dans la future diète de Francfort une grande représentation nationale, image de la patrie ; les autres, en haine de la France, ne rêvaient que le retour au vieux droit, aux vieilles mœurs, aux vieilles formes germaniques. Les passions, les opinions se confondaient; tout restait provisoirement incertain. De