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AU
MONT-CASSIN

J’avais lu quelque part qu’il existait dans les archives du Mont-Cassin, parmi tant d’autres richesses inédites, des leçons manuscrites du professeur Cremonini, un ami de Galilée, qui enseignait la philosophie à l’université de Padoue vers la fin du XVIe siècle. J’en connaissais seulement ces premiers mots du discours d’ouverture : « Mundus nunquam est, nascitur semper et moritur. — Le monde n’est jamais, il ne fait que naître et mourir à chaque instant. » Cela me donnait grande envie d’en connaître davantage. J’étais curieux de savoir comment pensait un homme si sage, comment il professait, trois siècles avant que nous eussions inventé la philosophie de Hegel et retrouvé celle de Çâkya-Mouni, la doctrine de la métamorphose perpétuelle et de l’universelle illusion.

Ces jours passés, me trouvant de loisir et aux portes de l’Italie, je partis un matin pour aller lire au Mont-Cassin les cahiers du Cremonini. Le lendemain, le train de Rome à Naples me jetait à San-Germano ; cette bourgade, de tout temps inféodée au monastère qui domine la montagne au-dessus d’elle, lui sert de succursale dans la plaine; les évêques-abbés y descendaient et y descendent encore pour tenir les plaids de leur diocèse. De San-Germano part le chemin, raide et rocailleux, qui mène là-haut à la