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sculpteur en a compromis la dignité par l’adjonction d’accessoires presque ridicules, tels que le griffon moustachu, animal d’un hellénisme douteux, grognant aux pieds de sa maîtresse, et le petit amour callipyge qui pique une tête, dans une attitude incongrue, sur l’écusson de la déesse fixé à son piédestal. M. Dampt avait débuté par des œuvres d’une’ simplicité délicate ; il se tromperait beaucoup s’il croyait que son talent a besoin, pour être apprécié, d’avoir recours à ces appels, d’un goût fâcheux, à la curiosité des passans.

Coquettes pour coquettes, mieux valent celles qui ne se targuent pas hypocritement d’une pureté virginale, celles qui se parent résolument de leur beauté, celles qui étalent franchement, dans la fierté froide de leurs allures, l’orgueil de la victoire certaine et de la domination établie. L’Omphale de M. Gérôme et la Cîrcé de M. Delaplanche n’ont aucune prétention à la vertu ; cependant, rêvées et réalisées par des sculpteurs graves et profondément imbus du respect exalté des anciens pour la beauté régulière et calme, elles nous apparaissent, toutes deux, dans leur nudité absolue, plus sincères et plus chastes que la plupart des Artémis contemporaines. Ce n’est pas la première fois que M. Gérôme se montre parmi les sculpteurs ; il y a déjà fait deux apparitions au moins, l’une en 1878 avec un groupe de deux Gladiateurs combattant, l’autre en 1882 avec un Anacréon. Ses Gladiateurs, enserrés dans des carapaces compliquées de ferrailles défensives, présentaient un enchevêtrement mouvementé de pièces d’armures qui témoignaient de la science archéologique de L’artiste autant que de son habileté plastique. L’Anacréon, couronné de roses, rentrait bien plus dans l’ordre des conceptions sculpturales. L’Omphale rompt décidément avec toutes les habitudes pittoresques ; c’est use œuvre originale et de grand goût, dans laquelle le peintre ingénieux du Combat de coqs et de la Phryné devant l’Aréopage montre un sentiment de La beauté plus fier et plus élevé qu’il ne l’a jamais fait, peut-être dans ses peintures. La figure a sans doute une forte saveur archaïque. L’artiste a voulu être Grec, mais l’être à fond cette fois, moins par l’exactitude de quelques détails extérieurs que par l’ensemble même de l’œuvre et par l’esprit qui l’anime ; il y a supérieurement réussi. Sans affecter, dans son attitude calme, la raideur anguleuse des déesses éginétiques, la maîtresse d’Hercule, une Asiatique fine et nerveuse, développe une fermeté discrète de formes qui la rattache à cette race légendaire de femmes actives et viriles d’où étaient sorties ; les Amazones. Nue, tenant cachée d’une main derrière son dos la pomme de la victoire, s’appuyant de l’autre sur la longue massue du dompteur des monstres enveloppée dans la peau, du lion néméen, satisfaite et calme, sans orgueil, presque