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plus que quintuplé. C’est une véritable transformation de cette partie du Sahara, opérée en trente ans, grâce à l’eau souterraine.

Ce n’est pas seulement quand elle jaillit que l’eau groupe autour d’elle des populations, mais aussi lorsqu’elle reste confinée à une faible profondeur dans le sol, constituant la nappe où plongent les puits. Même alors elle provoque des agglomérations de beaucoup plus importantes que les sources les plus volumineuses. Chaque maison peut, en effet, y puiser directement, et pour elle seule, l’eau dont elle a besoin.

La plupart des villes manufacturières du centre et du nord de l’Angleterre, comme Liverpool, Birmingham, Wolwerhampton et d’autres, s’élèvent sur l’étage du grès bigarré (new red sandstone). Elles jouissent ainsi de belles et solides pierres de construction et de la proximité du terrain houiller, mais surtout de la présence d’inépuisables réservoirs d’une eau épurée par filtration naturelle et de facile extraction. En Irlande, le centre industriel de Belfast offre une situation analogue.

À ce point de vue, les dépôts de graviers aquifères sont particulièrement dignes d’attention, par suite des grandes étendues horizontales qu’ils occupent. Avec les provisions d’eau intarissables et très accessibles qu’ils contiennent, ils permettent à l’homme une expansion presque indéfinie. C’est pourquoi on a vu se fonder sur ces dépôts, dès les temps les plus anciens, un grand nombre de cités importantes et de capitales, telles que Paris, Berlin et Londres. Toutefois, dans cette dernière ville, la nappe arénacée et phréatique présente des limites qui se sont opposées, durant des siècles, à un agrandissement dans certaines directions. Longtemps, d’après les intéressantes observations de M. Prestwich, la population de cette capitale, par un instinct facile à comprendre, est restée strictement concentrée sur la principale nappe et sur quelques lambeaux isolés de gravier, tels que Islington et Highbury. Il en était de même dans les environs : la population s’agglomérait sur de larges bancs de gravier riches en eau, tandis qu’en la même région, dans un espace d’environ 20 kilomètres carrés, bien que le sol y fût partout cultivé et productif, on rencontrait à peine une maison. Mais, depuis soixante-dix ans, la situation a bien changé ; de grandes compagnies sont allées chercher au loin un large supplément d’eau, et la ville a rapidement débordé sur les sols argileux.

De nombreuses populations sont encore réduites à ne boire que de l’eau de puits : citons la Lombardie et la Vénétie, habitées par environ 2 millions d’hommes ; les plaines plus étendues encore de la Hongrie ; la moitié au moins, de l’empire d’Allemagne, soit 275,000 kilomètres carrés ; une partie de l’empire russe, sept fois grande comme la France et peuplée d’environ 12 millions