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moyen de forages, en ouvrir aux nappes souterraines, qu’elle fait ainsi jaillir vers la surface, souvent même bien au-dessus du sol. L’idée de tels travaux remonte à l’antiquité ; déjà, il y a plus de quarante siècles, les Égyptiens y ont eu recours, et, en France, dès l’année 1126, on en pratiquait dans l’Artois, d’où le nom de puits artésiens qui leur est ordinairement donné. Considéré dans son ensemble, le bassin tertiaire de Paris, comme ceux de Londres, de Bruxelles et de Vienne, est très favorable à la création de puits artésiens.

La régularité et l’étendue considérable que peuvent acquérir les nappes des terrains stratifiés se manifestent, avec une clarté démonstrative, dans celle qui entretient les puits artésiens de notre capitale. Comme l’ont montré Élie de Beaumont et Dufrénoy, l’emplacement de Paris a été comme préparé par la nature. Cette ville n’a pris naissance et surtout n’a grandi que par l’effet de circonstances résultant en principe de la constitution intérieure du sol. Les couches y sont superposées, sur une grande épaisseur, en forme de bassins ou cuvettes concentriques, s’emboîtant les unes dans les autres. La craie blanche placée au-dessous des étages tertiaires est supportée elle-même par des strates argileuses appelées gault, où sont interposés des lits de sables verts. Ces sables se montrent au jour, depuis les Ardennes, à travers la Champagne et la Bourgogne, jusque dans la vallée de la Loire, et ils conservent dans cette zone continue d’affleurement des altitudes bien supérieures à celle de Paris, point vers lequel, presque surtout le pourtour, plonge la stratification. De plus, les couches sableuses sont essentiellement perméables, et partout où elles arrivent à la surface, elles absorbent en partie les eaux pluviales et les cours d’eau. Cet ensemble de faits amena à conclure que le terrain devait receler une grande nappe aquifère, atteignant vers son milieu une profondeur d’environ 500 mètres et susceptible, à raison de l’altitude de l’alimentation, de remonter à un niveau plus élevé que le sol de Paris. Sur cette induction géologique, l’administration municipale entreprit, en 1833, dans la cour de l’abattoir de Grenelle, un sondage dépassant de beaucoup tous ceux qui avaient été exécutés jusque alors. Après bien des accidens et des péripéties, à la suite d’un travail de sept années, le 20 février 1841, à deux heures après midi, la couche des sables verts était percée à une profondeur de 547 mètres, égale à plus de huit fois la hauteur des tours de Notre-Dame. Au même instant jaillissait l’eau si longtemps et si impatiemment attendue. Comme on l’avait d’ailleurs prévu, elle était chaude par suite de la grande profondeur dont elle émanait. Ainsi se trouvaient vérifiées les prédictions basées simplement sur l’étude attentive de carrières et de tranchées presque superficielles. Par une juste