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s’efforce de susciter l’église catholique slave dans les pays du Danube. Je cite quelques exemples entre cent de cette activité partout en éveil. Toutefois, l’impulsion partie de Rome ne justifierait qu’à demi mes pronostics ; elle garde une allure diplomatique et un esprit d’extrême centralisation qui paraissent peu conformes aux exigences de l’avenir. Les grands progrès du catholicisme seront signalés par la renaissance spontanée, avec une certaine indépendance, de ces illustres provinces ecclésiastiques qui eurent autrefois leur vie propre, les églises d’Afrique, d’Orient, d’Angleterre ; par la naissance d’églises semblables dans les nouveaux mondes, en Amérique, en extrême Orient. Or, ce ne sont point là des espérances platoniques ; ce sont des réalités que les yeux inattentifs peuvent seuls ignorer. Si l’on compare la situation du monde catholique à ce qu’elle était il y a cent ans, on est surtout frappé par la recrudescence de l’énergie vitale sur les confins éloignés de ce monde. Le cœur souffre d’une certaine atonie, le sang a reflué aux extrémités. Dans nos vieux pays latins, il faut bien le reconnaître, la religion traverse une phase ingrate. Elle se conteste de défendre des positions très menacées ; elle n’envahit pas l’imagination des hommes par des manifestations éclatantes ou originales, par la maîtrise des idées, par le bruit des gloires individuelles. En dehors de quelques exceptions honorables, on cherche vainement les grands hommes d’église, les prédicateurs éloquens, les œuvres puissantes et nouvelles. Pour la grande masse des indifférens, la voix de la religion est une voix politique ; ils ne l’entendent guère que mêlée aux luttes des partis ; et, dans ces luttes, elle joue trop souvent le rôle de comparse. Presque muette en Espagne et en Italie, cette voix semble couverte ailleurs par les revendications intéressées qui se servent d’elle. Le langage commun, — c’est souvent un miroir fidèle, — ne dit plus : la communion catholique, il dit : le parti catholique. Je ne prétends pas que le jugement de la masse soit fondé, je sais par combien de faits consolans ces indications sont contredites ; mais ils ne prévalent pas contre l’impression d’ensemble qui se dégage pour les indifférons, et je crois la résumer fidèlement.

Si nous reportons nos regards sur les rivages extrêmes de cette mer un peu stagnante, nous y retrouvons le mouvement et la vie. Là les populations catholiques sont restreintes comme nombre, mais il n’y a pas de non-valeurs dans ces petits effectifs ; tandis que chez nous des chiffres considérables ne représentent le plus souvent qu’une classification d’état civil. Là nous rencontrons les grandes figures ecclésiastiques de ce temps ; et, puisque les idées viennent toujours se personnifier dans quelques hommes, il faut