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qu’en résumant les objections formulées par de très bons esprits. A leur estime, si M. de Bismarck a fait un peu de chemin vers Canossa, les nonces en ont fait davantage vers Varzin.

Une alliance intime entre la papauté et l’empire allemand ne peut être qu’un accident. Cette alliance n’est justifiée ni par une longue tradition dans le passé, ni par l’espoir de créer cette tradition dans l’avenir. Pour le passé, toute l’histoire répond clairement ; le saint-siège s’est appuyé tour à tour sur le roi très chrétien et sur le roi catholique, jamais sur le César germanique. Bien au contraire, le pape fut toujours le chef et le défenseur naturel du monde guelfe contre l’empire gibelin. Chaque fois qu’il a transigé avec ce dernier, son prestige et ses intérêts en ont souffert. Sans doute, les querelles du moyen âge ne sont plus que des souvenirs archéologiques ; mais une institution comme le pontificat romain doit compter plus que toute autre avec la majesté des souvenirs et la perpétuité des maximes. Ce rapprochement, qui n’a pas eu de veille, n’aura pas de lendemain. Il serait absurde d’attendre que l’Allemagne protestante fit du soutien de la papauté un des dogmes de sa politique nationale, une de ces obligations aux racines profondes, parce qu’elles sont tirées d’un sentiment populaire ou d’un intérêt permanent. Ce n’est que l’intermède imaginé par la fantaisie d’un homme de génie ; et cet homme est septuagénaire, le décret commun ne lui permet plus de longs engagemens. Lui disparu, les fils de Luther retomberont dans leur indifférence, pour ne pas dire leur prévention, à l’égard de ce que leur père appelait la Babylone romaine. Le saint-siège aura-t-il du moins retiré des avantages durables de ces bonnes grâces d’un instant ? Il en a d’abord espéré le rôle magnifique d’arbitre international. Plût au ciel que cet espoir se réalisât ! ce serait le plus grand progrès accompli depuis longtemps dans le monde. Mais les temps ne semblent pas venus. Le cas particulier qui devait faire précédent, le litige entre l’Allemagne et l’Espagne, était peut-être le seul ou cet arbitrage pût s’exercer. Le pape offrirait inutilement ses bons offices à la république française, possédée de la manie anticléricale, à l’Italie, qui récuserait un adversaire, à l’Angleterre, si ombrageuse pour son église établie, à la Russie schismatique, à la Turquie musulmane. Sur tous les points où des complications sont le plus à craindre, je ne vois que des états hostiles à l’église romaine, peu désireux de grandir son influence ; la seule annonce d’une intervention pareille soulèverait le sentiment national et religieux, à Londres, à Moscou, à Stamboul ; à Berlin, il a fallu l’omnipotence du chancelier pour faire taire ce sentiment.