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sur les bancs du parlement un parti organisé ; il suffit, en attendant, pour gêner et modérer les politiciens de Monte-Citorio, les diplomates de la Consultà.

Tandis qu’elle accroît ses forces pour l’offensive, la papauté demeure inexpugnable dans ses retranchemens. Elle ignore volontairement la loi des garanties, tout en bénéficiant avec sécurité de cette loi, sauf pour les clauses pécuniaires ; des motifs d’amour-propre et de nécessité plus forts que tous les engagemens réciproques imposent au gouvernement italien le respect de ce contrat unilatéral. La situation peut se résumer en deux mots : la papauté n’a jamais besoin de ce gouvernement ; il a besoin d’elle à toute heure et en tout lieu. A l’intérieur, le concours du clergé est indispensable à l’autorité civile dans toutes les grandes cérémonies, sous peine de blesser les habitudes dévotes des populations. On sait quels furent les embarras du Quirinal au moment de la mort de Victor-Emmanuel ; sans la condescendance de Pie IX, les obsèques royales eussent été un scandale pour l’Italie. L’an passé, les régimens ont reçu de nouveaux drapeaux ; cette solennité militaire eût manqué tout son effet sur les recrues italiennes, si les étendards ne s’étaient inclinés sous les bénédictions du clergé. Dans les provinces, la chose ne souffrit pas de difficultés ; on se trouva plus empêché pour la brigade de Rome, réunie autour du souverain excommunié. Il fallut négocier une fois de plus avec le chef de l’église, qui ferma les yeux, et la cérémonie religieuse eut tout l’éclat désirable. Ce désir mutuel d’apaisement vient encore de se manifester dans les fêtes du Dôme à Florence ; la vieille cathédrale n’eût pas reçu plus solennellement un roi protecteur de l’église.

Mais c’est surtout à l’extérieur, depuis que l’Italie ambitionne de devenir une grande puissance colonisatrice, qu’elle a un besoin constant de son avant-garde cléricale. Une attitude hostile du patriarcat et des couvens italiens eût rendu impossible le voyage récent du prince de Naples à Jérusalem. Il y avait cependant un intérêt majeur, pour le prestige de l’Italie en Orient, à ne pas laisser aux seuls princes autrichiens l’avantage des honneurs qui leur sont rendus en pareil cas par des sujets de la maison de Savoie. Encore une prière à adresser au Vatican ; il s’exécuta de bonne grâce, et ces honneurs furent accordés à l’héritier du royaume. En Afrique, l’Italie a essayé d’agir à Tunis, elle agit sur d’autres points, elle combat à Massaouah ; le concours de ses prêtres et de ses moines, anciennement établis sur tout le littoral africain, lui est partout nécessaire ; dans certaines régions, c’est là son principal, pour ne pas dire son seul instrument de règne. Le revers douloureux qui l’a si profondément émue lui commande aujourd’hui de faire appel