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et de France, en quête à travers l’Europe d’aventures et de plaisirs, rêvant de conquérir une couronne au sortir des bras d’une comédienne, c’est au sein de cette ivresse de fêtes et de combats qu’il s’était posé à lui-même, avec une curiosité savante, et qu’il avait su résoudre avec une intelligence consommée, les problèmes les plus délicats de l’art militaire ! C’est pendant treize jours, nous raconte-t-il, ou plutôt pendant treize nuits, que, condamné à l’inaction par la maladie, pour charmer les veilles de l’insomnie, il avait laissé courir sa plume sur le papier, et de ce travail fébrile sont sorties des déductions raisonnées où rien ne trahit ni le désordre de la pensée, ni l’excitation du cerveau. Il n’y a pas jusqu’au style des Rêveries, dont le tour souvent incorrect ne manque ni de finesse ni de force, qui n’étonne chez un étranger demeure toute sa vie si ignorant des élémens mêmes de notre langue qu’il n’a jamais pu en écrire deux mots sans les défigurer par une orthographe vraiment fantastique.

Mais ce qu’on devrait moins encore s’attendre à rencontrer dans une œuvre de Maurice, quand on songe aux entraînemens auxquels s’était abandonnée sa jeunesse, ce sont des maximes d’une véritable élévation et de cette profondeur qui semble supposer le calme d’une grande âme. Les juges compétens seuls ont le droit d’apprécier la valeur technique des innovations proposées par les Rêveries, et dont plusieurs, je crois, ont passé en application. Mais quand le rêveur touche à ce qu’il appelle lui-même les parties sublimes du métier, il n’est pas d’ignorant qui, en l’entendant, n’ait le droit de se dire ému. Nulle part ne sont mieux appréciés les ressorts de cette force morale qui a autant de part au sort des combats que la force matérielle, qui la seconde toujours, et la supplée souvent : force essentiellement variable, dit Maurice, parce qu’elle réside dans le cœur des humains, et que c’est là qu’il faut l’aller chercher pour l’émouvoir par quelques-uns de ces traits de lumière qui caractérisent les grands capitaines. Et c’est pour conserver cette force morale intacte dans l’asile du cœur de l’homme que, s’élevant au-dessus des habitudes et des préjugés de son temps, cet homme de guerre errant, qui n’était lui-même qu’un illustre volontaire, préfère pourtant, pour l’entretien des armées, au système de libre engagement alors partout en vigueur en Europe, celui des levées obligatoires, faisant du service militaire le premier4des devoirs du citoyen. Non, sans doute, qu’il n’eût apprécié souvent, en les conduisant au feu, l’impétuosité héroïque des recrues de nos vieilles armées, qui, une fois qu’elles s’étaient données à la gloire, ne vivaient plus que pour elle, oubliant le toit natal, et quittant même le nom de leurs pères. Mais, par une sorte de divination, il