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sourde, bientôt ouverte, avec l’élément militaire. L’expérience a prononcé et l’organisation allemande a fait ses preuves. Envoyé en parlementaire après chacune des trois grandes batailles autour de Metz, soit pour demander la remise de nos blessés prisonniers, remise que j’ai constamment obtenue, soit pour présider à la triste mission de l’enterrement des morts dans la partie du champ de bataille qu’un accord réciproque avec mes confrères allemands nous assignait, j’ai en l’occasion de visiter un certain nombre d’ambulances allemandes quelques heures après les batailles, et j’ai pu constater avec quelle rapidité les blessés, quelle que fût leur nationalité, avaient été relevés, hospitalisés, opérés et pansés ; avec quelle homogénéité médecins militaires de profession et médecins civils mobilisés concouraient au même but humanitaire.

Si nous ne pouvons pas, en raison de la différence de nos mœurs et de notre organisation générale, nous assimiler complètement la loi allemande sur le service de santé, nous pouvons du moins lui emprunter son esprit et ses principales dispositions. Loin d’accentuer encore la séparation entre le militaire et le civil, il faut la faire disparaître. Il faut permettre au médecin civil retourné dans ses foyers avec un grade très inférieur d’arriver à un grade plus élevé en faisant volontairement un stage militaire d’une durée déterminée. Il faut que le médecin de la réserve qui a pu, par ce stage, acquérir les aptitudes techniques à un grade supérieur, puisse, devant un jury spécial et par des examens, faire constater qu’il possède ces aptitudes et qu’il est digne d’arriver à un grade supérieur. Ce qu’il faut seulement et exclusivement réserver aux médecins militaires, ce sont les fonctions militaires élevées, dans lesquelles l’action directrice est prédominante, dans lesquelles il faut une expérience que le médecin militaire de profession peut seul acquérir.

Il ne faut pas chasser de l’armée ceux qui, par leur savoir, leur expérience, leur habileté opératoire, peuvent rendre les plus grands services ; il faut, au contraire, les y attirer et obtenir leur concours alors qu’ils ne sont plus soumis à la loi militaire ; il faut transporter dans notre armée l’institution allemande des chirurgiens consultans. Dans la vie civile, quand la maladie frappe une famille, que le cas est grave et obscur, l’on s’impose parfois de lourds sacrifices pour appeler en consultation un médecin qu’on a le droit de supposer plus expérimenté que le médecin traitant. S’il faut pratiquer une opération difficile, on la confie à un chirurgien dont on connaît l’habileté opératoire, la sûreté du coup d’œil et du jugement. A l’armée, en temps de guerre, c’est à chaque instant que ces circonstances se présentent. Tantôt on hésite sur la nature